Déjà invitée en 2010 par les Pénitents rouges de Nice, la « Route de l’Europe chrétienne » a été heureuse de participer avec quatre de ses membres à cette héroïque caminada.
L’itinéraire préparé avec soin par les Amis de St Jacques (président Jean-Paul Pétin, Georges Stefanini et Richard Pollice pour la France, Claudio Dutto et Pier Giorgio pour l’Italie) nous a permis de découvrir la célèbre route du sel qui partant d’Italie, franchit les Alpes au col de la Fenestre et descend sur Nice par St Martin de Vésubie, Lantosque et Levens.
Ce beau chemin d’environ 220 km traverse le parc du Mercantour, franchit le col de la Fenestre (2474m) la porte de l’Italie et descend jusqu’à Cuneo et Turin, but final de notre pèlerinage.
Nous étions treize, ce chiffre ne nous a pas contrarié et tout le monde est arrivé à Turin pour contempler le saint Linceul du Christ, après onze jours de pérégrination. Ce ne furent pas tant le nombre de kilomètres qui furent pénibles, mais plutôt les sévères dénivelées et un soleil trop généreux qui a brûlé nos mollets et desséché les gorges. Heureusement, à l’arrivée et aux étapes, le délicieux « Dolcetto d’Alba » parvenait à étancher notre soif.
Cette année, une gravité particulière accompagne notre départ, car notre pèlerinage prend ainsi toute sa signification de supplication et de pénitence à l’aube du grand cataclysme prévisible. Bien que niée par les politiques, la troisième guerre mondiale a éclaté et la population, abreuvée de mensonges par les médias, a renié Dieu. Le pape François viendra le 20 juin à Turin. Reconnaîtra-t-il enfin le Linceul comme la preuve éclatante des souffrances et de la Résurrection du Christ ? Le monde a tellement besoin de cette affirmation…
Comme pour tous les pèlerinages, nous partons sous la protection de st Michel Archange, car « c’est à travers la figure de l’archange st Michel que se décide notre attitude face à Dieu. Il nous enseigne à ne rien mettre à la place de Dieu, mais à Le laisser seul Dieu. Michel combat toute absolutisation des puissances terrestres, l’idolâtrie du pouvoir et de l’argent. Je ne pense vivre vraiment en homme libre, que si je réserve à Dieu la première place ! »
(Anselm Grün, moine de l’abbaye Münsterschwarzach en Allemagne)
10 juin – Levens. 1er barreau de l’échelle
Conduits par Benoît à la chapelle des Pénitents rouges, nous recevons la bénédiction des mains de M. le Chanoine Marchadier, puis nous implorons la protection de st Michel en chantant son hymne devant une splendide statue.
Traversée du vieux Nice encore endormi. Après un dernier café, nous quittons l’horizon plat de Nice et de la place Garibaldi pour attaquer la première rampe de la colline qui tombe sur le Paillon. Dure montée, l’escalier du ciel est vraiment dur à prendre. Au bout de 30 minutes, le souffle court avec de terribles montées gastriques qui serrent les poumons, j’avance avec difficulté. Claudio, notre merveilleux guide italien, vole à mon secours en s’emparant de mon sac et j’arrive enfin à me hisser au sommet de la colline.
Nous atteignons la commune de Tourettes-Levens où son Maire, le Dr Frère, nous reçoit. Quelle belle salle, décorée de tableaux de maître. A l’entrée, une inscription qui donne l’esprit de cette commune exceptionnelle et de son Maire : « … et surtout, n’oubliez pas de toujours vous aimer. »
Le Dr Frère est catholique, il ne fait pas mystère de sa foi en Dieu qui a sans cesse animé sa vie et soutenu son action dans la commune qu’il dirige avec brio depuis 35 ans. Apéritif et repas offert, très joyeux, puis visite de l’église restaurée avec goût. L’adjoint au Maire nous fait admirer la Croix de 6m qui couronne la colline, qu’il a faite de ses mains, ainsi que celle du cimetière. Mais il nous faut déjà repartir, car nous logeons dans la salle des sports de Levens qui est à plus de 10 km. Messe à la chapelle des Pénitents noirs dite par le père Marek et dîner au restaurant «La voûte» viennent terminer cette première journée.
11 juin – Lantosque
Il est 7 heures lorsque nous quittons la ville et atteignons bientôt Duranus où M. le Maire nous attend pour nous ouvrir la porte de son église parfaitement restaurée. Il faut dire qu’elle est dédiée à st Michel et que deux admirables statues s’offrent à nos regards. Tous les ans, une procession conduit les fidèles à une chapelle située à huit kilomètres dans la montagne ! Nous longeons la Vésubie, impétueux torrent aux eaux claires et château d’eau de la ville de Nice. Nous parvenons ainsi au saut des Français où dans l’année 1791 les Barbets précipitèrent au fond du ravin les révolutionnaires français qui voulaient exporter leurs haines et leurs mensonges.
A midi, nous sommes à la chapelle st Honorat où les pains bagnat apportés par Claire nous servent de déjeuner. Ensuite, seuls les plus hardis continuent à pitonner, les autres suivent la route pour atteindre Lantosque où M. Jean Thaon, Maire, nous a réservé la salle de sport avec de précieux tatamis qui seront pour nous couches de roi.
Comme une acropole, l’église st Pons, les maisons hautes munies de balcons de bois dessinent un damier rouge, blanc et vert, dressé sur l’azur du ciel. Ici, plusieurs hameaux sur les alpages constituent les différents quartiers de la ville. On les envie, ils sont encore à l’abri de l’agitation du monde et les hauts clochers montent comme des doigts vers le ciel pour nous indiquer la présence de Dieu.
12 juin – St Martin de Vésubie, fête du Sacré Cœur de Jésus
Départ sous une légère pluie après un petit déjeuner offert par la Mairie. Nous admirons un pont qui a défendu en son temps la frontière, puis nous prenons la route de St Martin de Vésubie qui n’arrête pas de monter et où nous arriverons à midi. Monsieur le Maire tient à nous saluer et à nous offrir un rafraîchissement. Christian Borghese et José Giannuzi nous ont rejoint. Messe en la chapelle des Pénitents blancs avec vénération d’un magnifique gisant dissimulé sous le maître-autel. Dîner joyeux.
13 juin – N.D. de la Fenestre, fête du cœur Immaculé de Marie
Nous suivons ce matin les 10 km de route qui conduisent à la chapelle de la Madone de la Fenestre, une chapelle de montagne où l’on conduit en procession chaque année fin mai depuis St Martin la statue. Elle est ensuite ramenée dans la vallée fin septembre pour l’hiver. Très belle route à travers les pins et les mélèzes, sous un ciel radieux.
M. le Chanoine Marchadier est monté depuis Nice, il nous célèbre la sainte messe à midi et nous déjeunons tous au refuge tenu par un couple de bénévoles exemplaires. L’air est pur. La foi populaire permet à cette vallée de rester chrétienne grâce à l’engagement des laïcs.
14 juin – Le passage du col
A 6h, l’expédition courageuse des pèlerins s’élance sous la conduite de Georges et de Richard. Certes, la météo n’est pas brillante : de gros nuages gris balayent les crêtes.
Mais la Madone veille et permet pourtant à nos amis d’atteindre le col, tenu par les chamois et les bouquetins. L’Italie est maintenant atteinte, mais il y a deux grands nevés inclinés à descendre. Seules de bonnes chaussures et les crampons permettent une marche en sécurité, aussi c’est avec prudence que les pèlerins descendent et atteignent enfin le sentier de la vallée. Tout le monde est passé. Merci, Notre Dame de Fenestre !
Avec Claire, Carlo et Gérard, nous contournons pendant ce temps le massif. Quelle route sinueuse et étroite, elle va nous faire passer par Isola 2000 et le sanctuaire de Sant’Anna di Vinadio qui aujourd’hui est malheureusement fermé. Lorsqu’enfin nous parvenons à Entracque, nos amis sont déjà arrivés et nous racontent avec mille détails leur exploit. Nous sommes logés comme des princes dans une maison créé par Marcel Champagnat, un Français, fondateur des frères Maristes, canonisé en 1999.
Messe à la paroisse avec la visite d’un musée fort intéressant. Coucher tôt. Demain, ce sera Cuneo.
15 juin – Cuneo
Prière devant la statue de la Ste Vierge et lecture par Claudia du premier songe de Don Bosco. Turin fête cette année le 200ème anniversaire de la naissance de ce patron incomparable de la jeunesse et nous préparons nos cœurs à le découvrir dans quelques jours au sanctuaire de Marie Auxiliatrice à Turin.
Nous suivons le cours de la Vermenangna, puis du Gesso. Pas après pas nous sortons du cirque des montagnes et nous glissons maintenant sur la plaine accompagnés par Andrea, un ami pèlerin de Claudio.
A l’entrée de Cuneo, le sanctuaire des Anges est malheureusement fermé, alors nous récitons le chapelet de st Michel et nous rentrons dans la ville à l’ombre d’une longue allée de tilleuls. Claudio est un guide attentif et précieux, il veille sur nous avec l’attention d’une mère et l’affection d’un frère. Il me fait penser à l’archange Raphaël.
Nous nous installons au seminario qui n’a malheureusement plus aucun séminariste et nous assistons à la messe à l’église st Ambroise où il y a une statue du Sacré Cœur de Jésus d’une beauté exceptionnelle. Celle de Marie Immaculée nous regarde avec une grande tristesse.
16 juin – Fossano
Nous avons eu hier soir après le dîner la grande joie de revoir Don Giorgio, curé de Farigliano, à environ 30 km de Cuneo. C’est à la porte de son presbytère que nous étions allé frapper lorsqu’en 1999 nous avons franchi les Alpes pour aller jusqu’à Bethléem. Depuis, nous sommes restés amis et c’est toujours à lui que nous pensons lorsque nous prions pour les prêtres … et pour les jeunes qui doivent songer à les remplacer lorsque le Seigneur les aura rappelés.
Il partage notre analyse sur la situation gravissime de l’Eglise et du monde et pense que la 3ème guerre mondiale commencée au Proche et Moyen Orient va nous atteindre sous peu. En attendant, affirmer sa foi, rester chrétien et rendre au Seigneur la royauté qui soumettra le monde à Sa Divine compassion…
Notre groupe s’est agrandi de 5 Italiens qui se joignent à nous pour la journée. Nous partons à 7h. La place Garibaldi occupée ce matin par les tables et les tentes du marché est toute bruissante d’appels et de cris. Au loin, la chaîne des Alpes étincelle dans un dernier salut à notre cohorte qui ce matin court en direction du nord-est longeant toute la journée la Stura di Demonte sur de beaux sentiers.
Belle étape de 32 km sous un soleil de plomb avec un rafraîchissement inattendu à l’arrivée: une pluie d’orage.
A Fossano, nous sommes accueillis par les Capucins dans un havre de piété, de paix, de confort et de joie. On ne les remerciera jamais assez pour la qualité de leur accueil et leur bonté.
17 juin – Racconigi
L’approche de Turin se fera aujourd’hui par Racconigi en passant par Savigliano. Nous longeons la Maira avec des fermes et des domaines agricoles où l’on cultive du blé, des plantes médicinales et du maïs, on trouve aussi de vastes pépinières de peupliers pour la production du papier. Encore 30 km après un arrêt bienfaisant au bar de Cavallermaggiore sous les fraîches arcades.
18 juin – Moncalieri
Départ de Racconigi avec son imposant château à travers la plaine du Pô. Nous serons ce soir aux portes de Turin.
La plaine se déploie majestueuse devant nous avec de grosses fermes où beaucoup de cigognes nichent sur les toits et les cheminées.
Aujourd’hui c’est la plus longue étape avec 37 km sous une grande chaleur. Heureusement, à Moncalieri, l’hôtel Parisi où nous logeons, est très confortable pour prendre une douche, refaire nos forces et dormir… La messe à la paroisse Marie Reine du Monde devant une nombreuse assistance, nous redonne des forces et nous réjouit.
19 juin – Turin
Nous rentrons dans la ville en suivant le Pô. Le chemin traverse un superbe parc ombragé où les Turinois viennent courir et faire du vélo. Il y a des écureuils qui mangent dans la main, des geais pas farouches du tout. A l’arrivée en ville, sur la rive gauche, l’église des Capucins nous accueille et nous apercevons au loin le dome de Superga où nous logerons ce soir.
Voici les longues rues de la ville et l’immense place où dimanche, notre Pape François dira la sainte messe. Le clocher de la cathédrale jaillit au dessus des toits, il nous indique l’emplacement du Saint Suaire que nous allons immédiatement vénérer. L’accès au site est très contrôlé avec des barrages de police et des volontaires qui vous examinent avec soin comme si nous prenions l’avion. Le bel opinel qui m’accompagnait disparaît donc et je suis heureux de l’offrir au policier qui me le confisque. Au bout du chemin et après ces dix jours de dure marche, la contemplation de cet émouvant témoin de la Passion du Christ, le Linceul, revêt une importance capitale. Les résultats de la datation de 1988 au carbone 14 ont frauduleusement tenté de réduire à néant cette évidence. Depuis, les scientifiques ont été unanimes et leurs conclusions garantissent l’authenticité de l’adorable Linceul.
Avant de pénétrer dans la cathédrale, la projection d’un petit film nous prépare à l’observation des saintes traces de sang. Il nous permet de voir le visage, les bras et tout le corps du Christ, de face et de dos. Par groupes de 20 personnes, nous sommes ensuite invités à nous placer devant le Linceul. La cathédrale est obscure pour faciliter l’observation et chacun peut voir ces divines blessures. « Je crois en Jésus Christ qui a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort, a été enseveli, …est ressuscité des morts ! » On a honte de devoir rester debout et de ne pouvoir se mettre à genoux pour manifester notre foi, notre adoration, notre amour.
Nous quittons, bouleversés, la cathédrale : le pèlerinage 2015 pour nous est terminé. Nous gagnons en voiture Superga qui se dresse sur la colline. Résidence de la famille royale de Savoie, et quelques années après de Jérôme, roi d’Italie. Des chambres majestueuses aux murs couverts de tableaux nous permettent de nous remettre de toutes ces émotions…
20 juin – samedi
Nous prenons congé de nos compagnons de route après le petit déjeuner en les remerciant de cette belle marche vécue dans la fraternité et la joie. Plus particulièrement Claudio, Georges et Richard, Jean-Paul et Claire avec la précieuse voiture balai. Comme elle nous en a souvent gratifié, Marjorie nous chante un dernier Ave Maria. Aucun chant ne peut mieux exprimer notre gratitude et la certitude que tous ces bons moments ne disparaîtront jamais, puisqu’ils sont désormais inscrits dans le cœur Immaculé de Marie. Arrivederci et que le Seigneur vous bénisse tous pour toutes vos attentions, votre générosité et votre patience.
Mais nous ne voulons pas quitter Turin sans aller remercier celle qui a veillé sur nous, Notre Dame, Marie Auxiliatrice. Lorsque nous parvenons au Valdocco, la cour est submergée par une foule de jeunes, sac au dos, qui viennent vénérer le saint qui les a si bien compris et aimé. Il leur a enseigné qu’avant tout, ils étaient enfants de Dieu et que la seule chose importante était de se préparer à aller au ciel.
Puissions-nous, nous aussi, à l’issue de notre pèlerinage sur terre, nous écrier à notre tour : « Bosco, Bosco, je suis sauvé* ! »
* En l’année 1839, Don Bosco et son ami Louis Comollo, durant leur séminaire, s’étaient promis de prévenir par un signe celui qui resterait sur terre, lorsqu’il serait parvenu au ciel. C’est ce qui arriva au printemps 1839 après la mort de Louis Comollo. Un soir au dortoir après un bruit violent de roulement et de chaînes, Don Bosco entendit très clairement la voix de son ami, lui annonçant la bonne nouvelle de son salut. N’est-ce pas ce qui doit être le seul but de notre vie terrestre et notre seule espérance ?