La Route des Anges du 9 mai au 26 septembre 2009

“Voyez le petit pèlerin s’en aller son bonhomme de chemin, nez au vent et pèlerine au vent. Soufflez fort, la pèlerine va prendre le vent ; le pèlerin s’efforcera humblement derrière la croix.”
La girouette de la maison Besson – Dom Eric de Lesquen, Abbaye ND de Randol

C’est sur le toit ocre d’une vieille maison dominant le monastère de Randol que nous avons eu cet été le bonheur de faire la connaissance de la girouette de la maison Besson. Toute grinçante et rustique qu’elle soit, mieux qu’un long discours, elle a le mérite infini de résumer sobrement ce qu’est un pèlerinage et ce qui anime l’âme du pèlerin, elle illustre en tous points notre manière de partir en pèlerinage. C’est en nous effaçant tous les jours humblement derrière la croix que nous avons pu suivre pour la deuxième fois les 2’600 km de la « Via degli Angeli » parcourus en 168 jours du 9 mai au 26 septembre. Il faut bien l’avouer, nous n’avons pas tellement souffert de porter la croix, c’est plutôt elle qui nous a porté. Alors que le monde tourne, elle seule reste stable et nous permet de tenir debout : l’axe du monde, c’est la croix du Christ. C’est elle et elle seule qui permettra à l’Europe de rester chrétienne.

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La route des Anges, étincelante diagonale de lumière traversant la France et l’Italie, échappe pour l’instant encore à la médiatisation des pèlerinages de masse. Aujourd’hui comme hier elle suit paisiblement le chemin que suivirent en 708 les deux chanoines dépêchés par Saint Aubert, l’évêque d’Avranches, pour ramener des reliques du Mont Gargan et les déposer dans la chapelle au Mont Tombe que l’Archange Saint Michel avait réclamé avec insistance.

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Partant des Pouilles, au sud de l’Italie, la via angélique passe par Rome (château Saint Ange) et le Piémont (Sacra di San Michele), franchit victorieusement la chaîne des Alpes au Montgenèvre et bondit jusqu’au Puy-en-Velay où la chapelle Saint Michel couronne fièrement le Mont Aiguilhe. On la retrouve en Vendée dans quelques paroisses bien inspirées qui se sont placées sous le patronage de Saint Michel ainsi que sur la colline du Montaigu en Mayenne où une merveilleuse chapelle du 12ème vous accueille comme si le grand Archange souhaitait vous offrir un asile sûr avant l’arrivée en Normandie. Après le traversée des grèves et le franchissement périlleux de la Sée, de la Sélune et du Couesnon, c’est enfin l’arrivée au Mont au péril de la mer dans le crépuscule d’une dernière journée de marche et l’éblouissement du soleil couchant sur la mer.

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En cette année 2009, 1300ème anniversaire de la fondation du sanctuaire (1300 ans de Foi), refaire ce chemin à pied en pénitent, dans le plus parfait anonymat et en priant pour la France, s’imposait en quelque sorte. Cette belle route nous a permis de prier intensément le Seigneur en nous appuyant sur la Sainte Vierge et sur les saints anges et sur le plus éminent et le plus soumis d’entre eux, puisque la traduction de l’hébreu de Mik-a-El signifie celui qui est comme Dieu.

Tout au long du chemin, en saluant chaque clocher de ville ou de village, chaque calvaire, nous nous exclamions « Ô Crux ave, spes unica, salve ! », répétant avec Saint Paul « Puissions-nous nous glorifier en rien si ce n’est dans la Croix de Notre Seigneur Jésus Christ par laquelle le monde a été crucifié pour moi et moi pour le monde. Epitre au Galates, 6.14

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Force nous est d’avouer que l’exigence de cette démarche n’a pas attiré la grande foule et les six valeureux pèlerins du départ ne furent bientôt plus que deux. En dépit d’une large diffusion de la feuille de route et de quelques appels lancés par radio et dans la presse, peu d’âmes se sont senties appelées à nous suivre sur ces sommets. Cela confirme l’idée qu’un long pèlerinage ne peut être que le fruit d’une démarche individuelle et son accomplissement doit rester personnel. Le pèlerinage « clef en mains » avec marquage des sentiers et des garanties d’hébergement, comme on peut l’observer sur les itinéraires soutenus par Bruxelles, n’est pas sans inconvénients et nous sommes convaincus que si les catholiques veulent sauvegarder l’aspect spirituel de cette démarche, il faut absolument qu’ils lui gardent un aspect dépouillé, voire spartiate. Lorsque nous avons rencontré au Puy l’ancien recteur de la chapelle Saint Michel, il nous a dans une boutade exprimé le fond de sa pensée, lorsqu’il nous a dit : « Mais, qu’on fiche la paix aux pèlerins. Ils n’ont besoin de rien, Dieu leur suffit. » Nous partageons totalement cette affirmation, le pèlerinage n’est pas une randonnée, c’est une rencontre, elle exige des sacrifices.

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En Italie, entre Bobbio et Tortona, nous avons accueilli avec joie un groupe de huit pèlerins tchèques conduits par le Père Jan venus une semaine prier pour la France et en fin de parcours quatre pèlerins particulièrement vaillants ont renfloué notre troupe. Enfin, le 26 septembre, lors du franchissement des grèves, une bonne vingtaine de compagnons de Saint Michel avec leur Maître général ont tenu à traverser la baie avec nous ; ils se sont joints ainsi aux dix petits-enfants d’une famille amie qui nous ont joyeusement escorté jusqu’au pied des remparts. Cette couronne angélique était un don du ciel et une belle illustration de toutes les grâces que le Seigneur nous avait si généreusement accordées. Chaque jour nous avons vu la Providence en action et nous avons acquis la certitude que « le Seigneur avait donné ordre à ses anges de veiller sur chacun de nos pas ». En parvenant au but, accompagné par ces petits, il nous a semblé aussi que le grand Archange nous transmettait un ultime et solennel avertissement avant de nous rendre au monde : « Si vous ne devenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas au Royaume des cieux. »

Robert Mestelan
Président de l’Association
La Route de l’Europe chrétienne

Le 2 octobre 2009