Camino Portugues en été 2006 (extrait du carnet de route)

Nous rentrons en Galice, le pays du granit, bordé par l’océan, qui se trouve à notre gauche. Le granit étincelle sur tous les murs, dans les calvaires, qui sont nombreux, autour des encadrements de fenêtre et jusque dans la poussière du chemin qui se dépose sur nos chaussures en poussières dorées. A midi nous déjeunons à Caldas del Rei, sur une fraîche terrasse au dessus du torrent qui court vers la mer, et puis nous continuons. La forêt d’eucalyptus nous environne de toutes parts, le chemin bien balisé par des bornes coquille, nous avançons à grand pas. Nous sommes seuls, on est loin ici de l’encombrement du camino Francès et du fracas de la route. Bref arrêt à Carracedo pour dessiner l’église et après une longue descente dans les arbres, nous débouchons sur la plaine, à San Miguel.

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L’arrêt et la nuit à San Miguel furent un grand moment de grâce, comme Saint Michel, notre saint et généreux patron aime souvent nous en donner. Un léger chuintement, un léger bruit d’eau nous avait fait lever la tête et la fons San Miguel nous était soudain apparue, avec un large écoulement d’eau limpide. Le lavoir attenant a permis à Claudia d’y laver ma chemise et tout autour c’était le grand calme, au milieu des dahlias et des bougainvilliers dont les pétales en grand nombre jonchaient la chaussée. Après la marche solitaire dans la haute forêt, nous avons été saisis par le charme qui émanait de ce village oublié, tout pimpant au milieu des champs de maïs et des treilles des vignes. A l’entrée, nous avons croisé une petite fille. Elle nous a fait l’aumône de ses beaux yeux bruns, tandis qu’à pas pressés et la main sur l’épaule, elle ramenait son petit frère à la scierie, où son père, que nous avions salué en passant, travaillait sur un meuble.

Les ablutions terminées, nous avons descendu huit marches pour gagner l’église et son cimetière. Avec son majestueux parvis, la chapelle constituait la plus royale des chambres pour une nuit. Devant l’entrée, les dalles encore tièdes de la chaleur du jour accueillirent nos sacs et nos bâtons, tandis que devant nous, sur le mur de clôture, trois croix de granit, une grande et deux petites, nous mettaient en présence du Christ, comme au Golgotha avec les deux larrons.

Sur les côtés, à gauche et à droite, dans des constructions en pierre comparables aux huerras, mais plus longues, un peu comme des armoires, les caveaux des morts du village. Le ciel, la terre et puis la croix, celle qui unit, qui réunit les vivants et les morts dans l’affirmation de la Résurrection du Seigneur et dans la promesse de la nôtre.

Après 33 km dans la chaleur on s’endort vite. Pourtant voici que vers une heure du matin je me réveille. Claudia dort paisiblement à ma gauche, l’air est un peu plus frais, il n’y a aucun bruit. Le ciel sans lune est revêtu d’un grand manteau sombre piqueté d’étoiles, au milieu desquelles la voie lactée s’étire comme une écharpe glorieuse dans l’espace. Jamais ce chemin des étoiles, ce chemin de pèlerinage ne m’est apparu avec une si grande munificence, une si grande insistance aussi.
« Que Tes Œuvres sont belles, que Tes Œuvres sont grandes, Seigneur, Tu me combles de joie. »