Chapitre 2 : Bangor – Dublin

Voyager le 1er mai n’est pas un mauvais choix, les routes sont désertes et il n’y a pas trop de monde pour monter à l’assaut des avions. De Roissy, Air Lingus n’a mis qu’une heure et quarante minutes pour nous déposer a Dublin. Quelques heures après nous étions à Belfast, puis a Bangor, point de départ de cette nouvelle route de l’Europe chrétienne, la route de Saint Colomban.

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C’est ici a Bangor dans ce monastère place sous l’autorité de Saint Comgall, que Saint Colomban, né en 543 à Leinster, nourrit le projet de partir prêcher l’évangile dans les pays étrangers. Le Père Abbe refuse d’abord, mais bientôt il finit par lui donner son consentement et douze compagnons. A l’âge de 41 ans Colomban part ainsi en bateau avec Attala (saint), Colomban le jeune, Cummain, Domgal, Eogain, Eunan, Bile (saint), Gurgano, Libran, Lua, Sigisbert et Waldoleno. Cette sorte d’exil volontaire et permanent entrepris par amour du Christ devait les amener à parcourir le centre et le Nord de l’Europe et à en faire les plus grands missionnaires de l’antiquité. Cet exil exigeant et douloureux avec une finalité clairement apostolique nous semble tellement correspondre aux difficultés que traverse le monde aujourd’hui que nous avons voulu refaire ce parcours en nous inspirant de l’audace et de l’héroïsme qui animaient Colomban et ses douze compagnons.

A Bangor nous avons d’abord été un peu déçus de ne plus trouver grand chose de cette grande époque et de ce monastère de 3000 moines. La tour qui surmonte aujourd’hui l’église protestante date du XVème siècle et seuls quelques restes du mur de Saint Malachie font apparaitre des matériaux de l’époque. Devant le château flotte l’union jack et la séparation des deux Irlande est toujours bien réelle. Ce soir là nous avons la messe avec l’évêque du County Down à la paroisse Saint Comgall. Notre première nuit se passe dans une pièce de la salle paroissiale.

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Notre descente vers le sud commence par longer la mer intérieure (Strangford Lough) par une route étroite et difficile. Comme la conduite des autos se fait à gauche, chaque fois que nous traversons un carrefour il nous faut réfléchir quelques secondes pour savoir d’où vient le danger. C’est toujours désagréable d’être frôlé par un bolide et Claudia craint de se faire arracher le bras. De nombreuses ruines d’abbayes nous indiquent que toute la région était au moyen âge un grand monastère. Les maisons sont petites et les églises ouvertes : nous en avons trouvé une à Kircubbin où nous avons pu y prier une heure. Plus loin, Bob et Kathleen nous ont conduits à la montagne Saint Joseph, à l’église de la paroisse. Le prêtre n’y était pas mais on nous a ouvert l’école et nous avons passé une excellente nuit sur le tapis. Sur les murs de cette vieille école primaire en briques nous avons admiré une belle gravure du pape Benoit XV ainsi que des photos de classes des années 30 où il y avait plus de 150 élèves, les yeux rieurs avec des taches de rousseur sur le nez qui nous souriaient : Adhérentes du planning familial, voilez-vous la face, en Irlande, les enfants sont un don de Dieu!

Apres avoir pris le bac à Portaferry, nous atteignons Downpatrick, la ville où Saint Patrick est arrivé en 432 pour commencer l’évangélisation de l’Irlande et où il est mort en 461; il y est toujours vénéré.

Saint Patrick, le grand apôtre de l’évangélisation de l’Irlande a droit à tous les honneurs et il n’y a pas une église qui oublie d’y vénérer sa mémoire. Etonnant parcours que celui de ce Breton, amené esclave en Irlande, qui réussit à s’enfuir au Pays de Galles et à se préparer à la prêtrise pendant deux ans à l’ile de Lérins. Sacre évêque à Auxerre par Saint Germain, il retourne en Irlande pour évangéliser l’ile et meurt en 461. A cette époque, l’Europe chrétienne était sans frontières et les hommes d’église de rudes voyageurs.

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Les pères Sean et Stephen de la paroisse catholique de Downpatrick ne savent que faire pour nous être aimables. Ils nous trouvent un lit, nous arrangent un rendez-vous avec le président de la Légion de Marie et nous amènent sur la colline où en 1932 à l’occasion du congrès eucharistique, une grande statue de Saint Patrick de 15 m de haut a été érigée.

Nous avons attaqué ensuite la région très pittoresque et montagneuse des Mournes et trouvé dans l’église de Hilltown tout ce qui fait le charme de l’Irlande : un prêtre bon et hospitalier, la légion de Marie et la Sainte Messe. Il est facile quand on est catholique de se faire des amis à la sortie de la messe. Avec Kieran Murphy, professeur à la Highschool et qui a tenu à marcher environ dix kilomètres avec nous, nous avons beaucoup parlé de pèlerinages et de la route de l’Europe. On pourrait en effet tracer un chemin partant de Bangor, passant à Downpatrick et finissant à Knock avec Saint Joseph et Notre Dame…

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La journée de repos, vécue dimanche a Rostrevor avec une petite communauté de moines français originaires du Bec Hellouin nous a enchantée. C’est pour répondre à la demande de Jean Paul II d’associer les contemplatifs à la recherche de la paix et de l’unité en tous les lieux de ce monde où la guerre fait rage, que ces moines sont venus de France et ont bâti ce monastère très moderne, tout en verre et en acier. Ils ne sont que cinq, quatre Français et le père abbé Irlandais et ils prient pour l’unité. Cette halte bienheureuse dans une hôtellerie de rêve nous a permis d’avoir la messe en latin et de prier pour l’apaisement du conflit entre le Nord et le Sud de l’Irlande. La charte du monastère précise la mission : “Contribuer à la réconciliation entre catholiques et protestants dans un pays marqué par une violence réciproque, endeuillé par le sang de frères et de sœurs chrétiens.” Comme à Abu Gosh en Terre Sainte, les olivétains s’emploient par la prière et l’accueil à cicatriser les plaies.

Repartant vers le sud, nous vénérons à Drogheda le chef de Saint Oliver Plunkett, évêque d’Armagh, martyrisé d’une façon particulièrement sauvage. Le soir, après une dure étape, c’est à Stamullen qu’Olive nous offre généreusement une de ses maisons pour dormir. Encore la Providence!

La dernière matinée nous amène à travers les champs de course, les golfs et les moutons jusqu’à l’aéroport de Dublin où un bienheureux car nous conduit enfin au centre de la capitale. Ce soir nous sommes attendus par les Petites Sœurs des Pauvres : encore un ordre Français, créé par Jeanne Jugan, née en 1792 à Saint Servan. Mère Agnès nous affecte une belle chambre et c’est d’ici que nous vous écrivons.

Nous irons demain voir la Légion de Marie pour envisager la construction d’un oratoire. Nous profiterons de notre descente en ville pour aller nous incliner sur la tombe de Matt Talbot, un ivrogne repenti qui a terminé sa vie en odeur de sainteté. Si Dieu le veut, nous profiterons du samedi pour monter dans l’Ouest, à Knock, où se trouve le grand sanctuaire de l’apparition de la Sainte Vierge et de Saint Joseph. Jean Paul II y est venu en 1979.

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Le temps très chaud au début du mois est devenu tout à fait Irlandais avec beaucoup de vent, quelques averses, mais toujours du soleil. Au Pays de Galles, dans un mois, nous vous donnerons d’autres nouvelles et en attendant nous vous livrons pour la vivre et pour la répandre avec profusion autour de vous cette belle citation de la bienheureuse Jeanne Jugan : “Il faut toujours dire : que Dieu soit béni !”

A bientôt !

Robert et Claudia Mestelan