La route de l’Europe chrétienne du 12 avril – 27 septembre 2004
“Magnificat anima mea Dominum
Exulte mon âme en Dieu Mon Sauveur”
Lorsqu’après une longue marche de cinq mois et demie nous sommes parvenus le 27 septembre à Kiev, nous avons eu un moment de doute. Etait-ce un rêve ou la réalité ?
Partis le 12 avril de Vézelay, il nous semblait presque impossible d’être arrivés sur les lieux où en 988 Saint Vladimir, baptisé avec tout son peuple, allait étendre les frontières de la chrétienté jusqu’aux extrémités de l’Europe. Il fallait pourtant se rendre à l’évidence, nous étions arrivés, certes fatigués, mais, guidés, portés et éclairés par la Providence qui tous les jours nous avait couvert de son bouclier.
Cette route fut belle, car elle nous a permis de prendre conscience de la richesse et de l’importance des racines qui ont formé notre patrie, l’Europe. Elle fut chaleureuse et humaine, car nous avons rencontré des frères et sœurs venant nous avouer les larmes aux yeux qu’ils n’avaient jamais vu quelqu’un venir à pied à leur rencontre en proclamant leur foi en Jésus Christ. Elle a été enfin marquée du sceau de l’unité en nous montrant que lorsque l’église d’Occident et l’église d’Orient lisent ensemble l’évangile de Jésus Christ, elles peuvent aussi battre d’un même cœur.
Certes, le départ au pied de la colline de Vézelay, du tertre où Saint Bernard de Clairvaux avait lancé la 2′ croisade en 1146, n’était pas innocent. Ce pèlerinage était l’affirmation de nos convictions les plus intimes, à savoir que la civilisation Européenne est née de l’union entre le dogme chrétien et la façon chrétienne de vivre. « Le Christianisme n’est pas une des racines de l’Europe, il en constitue l’unique, car l’Europe est née de lui et de sa réappropriation des autres racines Grecque, Romaine, Barbare. » (Dawson)
A part les amis laissés en Provence dont la prière et celle de leurs enfants allait nous porter, personne n’était convaincu du succès de notre entreprise. Mais n’est-ce pas avec des galets et une fronde de berger que l’enfant David a remporté la victoire sur le Philistin Goliath? Nos trois galets devaient être la foi, la charité et l’espérance.
L’itinéraire
La route de l’Europe a traversé neuf états : la France, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Slovaquie, la République Tchèque, la Pologne et l’Ukraine. C’était une longue route, mais le kilométrage, établi avec soin en tenant compte de nos capacités et de l’arrivée de l’hiver, n’a pas excédé 4’000 kms. Parcours sinueux, loin d’englober tous les états, mais privilégiant les lieux de foi, des sanctuaires chrétiens.
D’abord ceux de l’Enfant Jésus, à Beaune et à Prague. Ensuite ceux de la Sainte Vierge :
Einsiedeln, Wigratzbad, Altötting,
Mariazell, Marianka, Kraliky, Czestochowa, Kalwaria Zebrzydowska et la Laure de la Dormition. Enfin des lieux où des saints ont vécu ou oeuvré comme par exemple Sachseln, la patrie de Saint Nicolas de Flüe, cet ermite Suisse que Denis de Rougemont tenait pour un des inspirateurs de l’idée Européenne parce qu’il se consacra à unifier les cantons Suisses autour de l’Evangile ou encore
Velehrad, où Saints Cyrille et Méthode apportèrent l’écriture Cyrillique pour permettre aux pays Slaves de lire les Saintes Ecritures dans leur langue.
On peut affirmer qu’en Europe, chaque nation, chaque ville ou village s’est construit et rassemblé durant vingt siècles autour d’une basilique, d’un monastère ou d’une église.
Les monastères Bénédictins et Cisterciens ont couvert l’Europe d’un blanc manteau et nous les avons trouvé jusqu’aux extrémités de la République Tchèque, de la Hongrie et de la Pologne. Quant aux croix, oratoires et calvaires, humbles témoins d’une foi vivante et populaire, nous les avons salué aux carrefours et le long de tous les chemins. L’abbaye de Payerne en Suisse, la tombe de Saint Pierre Canisius à Fribourg, la statue des Saints Cyrille et Méthode à Velehrad, la cathédrale de Saint Martin à Bratislava, la cathédrale Saint Etienne à Vienne ou le monastère Porta Coeli en R. Tchèque et la Laure de la Dormition à Kiev sont des puissants témoins de la chrétienté en Europe. La liste est considérable et loin d’être exhaustive. Le réveil de la foi auquel nous assistons en Europe de l’Est s’accompagne actuellement de très grands chantiers : le monastère Cistercien de Novi Dvur, le séminaire Gréco-catholique à Lviv et d’innombrables églises dans les villages.
Sur la route et dans les églises nous avons eu tous les jours la joie de prier avec les chrétiens de ces neuf pays, en assistant à la sainte messe. Presque chaque jour, arrivant vers la fin d’après-midi, à l’étape que nous avions fixé, nous trouvions le chapelet, suivi de la sainte messe, puis l’adoration du Saint Sacrement. Les fidèles assistent en grand nombre aux offices. Nous avons trouvé en Pologne des églises où il y avait jusqu’ à 10 messes le dimanche, la foule ne parvient pas à rentrer en totalité et les portes restent ouvertes avec des haut parleurs sur le parvis!
Enfin, nous avons fait la connaissance de tous les saints qui ont façonné l’Europe et qui l’ont enrichi du témoignage éclatant de leur foi: Saint Benoît, Saints Cyrille et Méthode, Sainte Edith Stein, Saint Martin, Sainte Brigitte de Suède, Sainte Catherine de Sienne, Saint Maximilien Kolbe, Sainte Elisabeth de Hongrie, Saint Norbert, Sainte Faustine Kowalska.
Le témoignage
Qui va achever de construire l’Europe? Faut-il laisser cette tâche exaltante à ceux qui ne croient pas en Dieu ? Faisant un pèlerinage chrétien, à travers l’Europe Chrétienne, nous avons tenu chaque soir à frapper à la porte d’un lieu chrétien: la paroisse. Nous avons ainsi pris conscience de la richesse de l’Eglise: paroisses, monastères, congrégations et familles, l’ensemble est impressionnant!
Le nombre important d’heures que nous passions chaque jour sur la route (huit à dix heures) nous a permis de prier presque sans discontinuité, mais à un rythme toujours harmonieux et en nous adaptant à ce qui se présentait à nous au fil de la journée. Angélus, récitation du chapelet, prière pour les victimes de la circulation, bénédiction des villes et des villages, chapelet de la Divine Miséricorde, chapelet de Saint Michel Archange, litanies des saints, lecture de l’évangile. Prière pour l’accueil : « Seigneur faites nous rencontrer des gens au cœur bon. » Prière de remerciement : « Seigneur, protégez cette communauté, ce prêtre qui nous a reçu avec tant de bonté et bénissez leur travail. » et sainte messe.
Après nous avoir accueillis avec charité, les curés des paroisses nous ont souvent demandé de venir à la chaire et d’expliquer notre démarche. Parfois ils nous présentaient et c’était ainsi une façon d’entraîner, leurs paroissiens dans une démarche de prière pour que l’Europe reste chrétienne (Dijon, Pontarlier, Allemagne,
Autriche, Hongrie, Rép. Tchèque). En Ukraine, l’université Catholique de Lviv a organisée une conférence de presse et nous avons pu atteindre un public beaucoup plus large, grâce à la Télé, à la presse écrite et aux radios. A Kiev, Radio Svoboda (=Liberté) a effectué la même diffusion. A l’université des lettres de Kiev, rassemblant des professeurs Polonais, Ukrainiens, Biélorusses et Russes, il nous a été fait l’honneur de pouvoir exposer notre pèlerinage.
Nous avons ainsi pris conscience qu’être chrétien en Europe, c’est le plus beau des passeports, il ouvre toutes les portes. N’ayons donc pas peur d’affirmer et de montrer par un signe apparent notre attachement définitif au Christ.
Ut unum sint
En arrivant en Ukraine, nous avons prié pour que ce peuple ardent qui a beaucoup souffert (17 millions de morts au 20e siècle) et qui souffre encore, recouvre sa pleine liberté et pour que les chrétiens unis et réunis dans le même amour du Christ soient les artisans fervents de Son retour sur la terre. Nous avons frappé aux portes de toutes les familles religieuses : Grec Catholiques, Arméniens, Catholiques Romains, Orthodoxes (Moscou, Kiev et église autocéphale). La Providence nous a permis de passer le dernier dimanche dans une paroisse orthodoxe rattachée au Patriarcat de Moscou, dont le pope, le père Filaret, nous a reçu avec une grande charité.
Il a commencé par nous demander de lire l’épître et l’évangile en Français, ensuite, à la fin de la liturgie, il a voulu que nous parlions aux fidèles pour leur donner le sens de notre démarche. A midi nous avons partagé le repas dans une ambiance qui était celle des premières communautés Chrétiennes. L’après-midi, nous avons échangé avec eux sur tous les grands sujets : la famille, le mariage, la paternité, la jeunesse, l’avortement, comment se protéger du matérialisme?, avant de repartir, les bras chargés de cadeaux.
Conclusion
La route de l’Europe, menée au rythme lent de la lecture de l’évangile ou de la récitation du chapelet, a permis une rencontre chaleureuse avec tous les pays. Ayant connu le matérialisme communiste, ils n’entendent pas retomber dans un autre aussi hideux, celui de la société libérale. Aussi à Mariazell, une semaine avant Pentecôte, huit pays d’Europe Centrale se sont rassemblés autour du Cardinal Schönborn, archevêque de Vienne, pour écrire une charte spirituelle et donner aux fidèles sept mesures pour résister et rester fidèles au Christ. La Hongrie, la Slovaquie, la République Tchèque, la Slovénie, la Croatie, la Bosnie Herzégovine, l’Autriche et la Pologne présents avec huit évêques, les chefs de gouvernement et 90’000 fidèles, nous ont ainsi indiqué la marche à suivre pour garder intactes nos racines Chrétiennes. Faisons les nôtres et les voici, pour que vous puissiez les mettre en pratique:
1. Annoncer le Christ à tous les hommes.
2. Apprendre à prier et enseigner la prière.
3. Augmenter notre foi en nous appuyant sur les Saintes Ecritures et le catéchisme de l’Eglise Catholique
4. N’ayons plus peur de porter les signes de notre Foi et de nous en entourer dans nos maisons et sur nos lieux de travail.
5. Gardons et remettons en honneur la sanctification du dimanche.
6. Défendons la vie en tous ses états et la Famille Chrétienne, pierre angulaire de la construction Européenne.
7. Développons la solidarité en Europe et dans le monde.
Nous étions à peine rentrés que deux nouvelles nous parvenaient : à Toulon, un prêtre en soutane a été interdit d’un établissement scolaire où il était chargé d’assurer la catéchèse et à Strasbourg, M. Rocco Buttiglione est rejeté parce que ses idées chrétiennes dérangent. L’heure de la persécution a sonnée, elle ne campe désormais plus à Budapest, Oswieçim ou Kiev, mais elle assiège Toulon, Strasbourg et Bruxelles.
Au lieu de nous lamenter, tressaillons de joie :« le sang des martyrs est semence de saints ». Il est temps que les chrétiens se réveillent en Occident, qu’ils retrouvent leur unité et qu’ils rejoignent le Christ Ressuscité, la seule espérance de l’Europe.
« Peuple de frères, le Seigneur nous donne maintenant une puissance qui fera trembler le monde jusqu’à la fin des temps.
Robert & Claudia Mestelan
La route de l’Europe chrétienne