18 – 24 mars 2010
GRAND PÈLERINAGE SUR LES ROUTES SUISSES ET BAVAROISES
DE L’EUROPE CHRÉTIENNE
Placé sous le patronage de Saint Joseph, de Saint Benoit patron de l’Europe, et de Saint Nicolas de Flue patron de la Suisse.
Il se trouve que ces trois saints avaient leur fête pendant notre pèlerinage : le 19 mars celle de St Joseph, et le 21 mars à la fois celle de St Nicolas de Flue et l’une des deux fêtes de St Benoit, dont on peut lire ceci sur le site Nominis : Au Mont-Cassin, 21 mars 547, naissance au ciel de saint Benoît, abbé, dont la mémoire est reportée au 11 juillet, jour de la translation de ses reliques à St Benoit sur Loire.
Il se trouve aussi que les deux premiers de ces trois saints sont les patrons de Joseph Ratzinger, aujourd’hui notre saint Père Benoît XVI qui nous demande si instamment nos prières. Nous ne l’avons pas oublié.
À vrai dire, ce grand pèlerinage n’était qu’un petit pèlerinage de quinze personnes, y compris le chauffeur du car, qui approchait de l’âge de la retraite. Tous étaient –génaires, de quinqua- à octo- . Mais tous étaient restés assez jeunes pour s’accommoder des conditions de confort nécessaires et suffisantes des auberges de jeunesse qui leur épargnèrent le prix exorbitant de l’hôtellerie des pays riches.
Tous étaient suffisamment emmitouflés pour affronter le climat de régions où, fin mars, subsistaient encore par endroits, de vastes étendues de neige qui avaient bien de la peine à fondre. Les deux premiers jours, se détachant sur le ciel bleu, étincelantes de tous leurs névés, les hautes montagnes de la Suisse se reflétaient dans les lacs des quatre Cantons et de Zurich que nous longeâmes sur pas mal de kilomètres, d’une façon tout à fait spectaculaire. La météo, par la suite, fut plus capricieuse…
Tous enfin avaient assez d’appétit pour apprécier les Knödel, les Spätzle, les Wiener Schnitzel, les Apfelstrudel dont ils furent nourris, et la bière dont ils furent abreuvés. Un soir, avec les amis allemands qui nous accueillirent, nous partageâmes, dans une auberge de campagne, un dîner particulièrement joyeux et typique. De retour dans ma chambre, regardant la carte de cet établissement, qu’ y lus-je ?!
Gasthaus Kreuz, Hauptstr. 20 – 87733 Engelfried ce qui peut se traduire par : Auberge de la Croix, 20 rue principale , 87733 La Paix des Anges
signe évident de la bénédiction divine sur nos performances gastronomiques. [Aïe ! Aïe ! de retour à Paris, je constate que j’avais mal lu, égarée, peut-être, par l’absorption d’une grande bière et d’un petit kirsch. C’était Engetried , pas Engelfried – Tant pis ! Se non era vero, era ben trovato ! ]
Origine et finalité de l’entreprise
En 2004, au cours de leur promenade pédestre de Vézelay à Kiev, Robert et Claudia Mestelan (native de suisse alémanique, donc germanophone) firent étape à Ottobeuren (Bavière) et demandèrent l’hospitalité au père abbé de l’énorme abbaye baroque, encore peuplée de bénédictins, qui fait la renommée de cette localité.
Celui-ci les adressa à Franz et Klara, agriculteurs retraités, qui les hébergèrent et leur firent connaître Reinald, personnalité hors du commun dont nous aurons à reparler. Une amitié naquit entre le couple Mestelan et ces trois personnes qui admirèrent leur endurance de marcheurs et s’intéressèrent à leur association les Routes de l’Europe chrétienne et à leur ambition d’implanter au bord de ces routes, dans chacune des nations de l’Union, un oratoire
destiné à rappeler aux passants les “racines chrétiennes de l’Europe”. C’est ainsi que prit naissance le projet d’implanter à proximité de l’abbaye, sur le passage des touristes qui viennent la visiter, un oratoire dédié à Saint Benoit patron de l’Europe, afin de leur inspirer des sentiments de piété et, qui sait, de judicieuses réflexions politiques. Il fut réalisé six ans plus tard grâce à la bonne volonté de la municipalité, du père abbé, de diverses associations allemandes et de l’association française. C’est un beau bas-relief réalisé par un sculpteur français du nom de Beauvais, père catholique d’une famille nombreuse, qui travaille dans la région de Brive la Gaillarde.
Il était entouré de grands mats portant les drapeaux français, allemand et européen. A la fin de la grand messe du dimanche 21, sous une fine pluie froide, il fut béni en bonne et due forme par le père abbé, escorté de cinq enfants de chœur dont quatre étaient des filles.
À cette cérémonie n’était présente aucune de ces personnes influentes et hautement rémunérées qui dirigent la construction politique appelée “Union Européenne” dans un sens officiellement laïc, résolument antichrétien, et sournoisement catophobe et islamophile. Elles ont bien besoin qu’on prie pour elles ! Elles ignoraient, bien sûr, notre existence. Si elles nous avaient accompagnés, elles auraient pu constater que ces “racines” qu’elles s’efforcent de nier, d’occulter, de déssoucher, les racines plantées dans la terre germanique par les fils de Saint Benoit et quelques autres ne sont pas toutes mortes, loin de là. Le Père abbé, après la bénédiction, et avant que Reinald nous fasse visiter les merveilles abbatiales et nous interprète un petit concert sur l’orgue du XVIIIe s., nous reçut dans sa salle capitulaire et nous expliqua qu’il y a encore 8.500 bénédictins de par le monde, et le double de bénédictines, et que la seule Allemagne compte 14 abbayes masculines en activité.
La sève chrétienne continue à monter dans des arbres dont certains sont très vieux et d’autres plus récents. Pour ce qui est des sites que nous avons visités, Ottobeuren fondé par Charlemagne en personne en 764, fêtera son 1250e anniversaire en 1214, soit plus d’un millénaire sans aucune interruption de la vie bénédictine. Hors l’Église, quelle institution peut se prévaloir d’une pareille longévité ? Einsiedeln, étape sur le chemin de Saint Jacques, s’est formé autour de l’ermitage d’un certain Meinrad assassiné en 861. Andechs (1128) et Diessen (1130), fondées par une famille princière qui ne donna pas moins de 13 bien-
heureux et saints à l’Église, dont l’illustre Élisabeth de Hongrie, ne sont plus que des églises paroissiales, mais à Ettal, fondé en 1330 par l’empereur Louis IV, près d’Oberammergau, la vie bénédictine continue. Wies, bâti entre 1744 et 1754 dans un paysage champêtre, rassemble des pèlerins sur le lieu d’un miracle. Le monastère de Saint Ottilia appartient à une branche récente de l’ordre, les “bénédictins missionnaires”, et leur église a été inaugurée en 1902. Nous avons eu la chance d’y assister à la messe solennelle de St Benoit, anticipée au samedi 20 parce que le 21 était le premier dimanche de la Passion : une messe Paul VI si bien chantée et si liturgiquement célébrée que c’était une merveille. Je n’ai pas compté moins de 46 moines dont un bon tiers de jeunes. Enfin, le séminaire de Wigratzbad, notre dernière étape, a été fondé de toutes pièces en 1988.
Bref, notre périple était organisé autour de la visite de sanctuaires pour la plupart baroques, et nous avons snobé les châteaux de Louis II de Bavière où se précipitent la plupart des touristes. Le pauvre Louis II (1845-1886) était l’adorateur non de Jésus Christ mais de Richard Wagner. Était il génial ? Était-il fou ? Toujours est-il que sa mort par noyade alors qu’il était interné au château de Berg, ne permet pas d’envisager sa destinée éternelle sans inquiétude. Selon Wikipédia “Officiellement, le roi s’est suicidé après avoir étranglé son médecin ; cependant, les hypothèses de l’assassinat ou de la tentative d’évasion ont été évoquées”. Quitte à dépenser largement l’argent des contribuables en édifices somptuaires, mieux vaut que ce soit pour la gloire de Dieu, par des pères abbés, percepteurs d’une simple dime, dont la devise comportait trois P : Pecunia, bien sûr, mais aussi Patientia (il a fallu 50 ans pour bâtir l’actuelle abbaye d’Ottobeuren) et Prudentia.
Pour commencer, un peu d’histoire
Zwingli est mort en 1531, Luther en 1546, Calvin en 1564. Le Concile de Trente vient à bout de sa contre-réforme catholique en 1563. La Guerre de Trente Ans, consécutive à la Réforme se termine en 1648, et en 1683, Vienne, assiégée par les Turcs est libérée par le valeureux roi de Pologne Jean Sobieski. Un certain temps de paix est enfin accordé au centre de l’Europe !
Par les traités de Westphalie qui mirent fin à la guerre de Trente ans, le Saint Empire Romain Germanique se trouva morcelé en 350 petits États souverains où les princes avaient le droit d’imposer à leurs sujets leur religion, luthérienne, calviniste, ou catholique, selon le principe cujus regio, hujus religio, parfaitement relativiste au point de vue métaphy-sique, mais tout à fait normal sur le plan biologique.
Depuis Aristote, on sait que l’homme est un politikon zôon autrement dit un “animal social”, comme les abeilles, les fourmis, les vols de canards sauvages, les hardes de loups et les troupeaux d’éléphants où, pour leur survie, les individus se font les suivants et les serviteurs d’une “reine” pondeuse ou, plus souvent d’un “mâle dominant” qui a su éliminer ses rivaux. Les hommes ont donc une forte tendance grégaire qui les pousse à “faire comme les autres”, à “faire comme tout le monde”, dans la grande ou petite société à laquelle ils appartiennent. Le “mâle dominant” (en anglais Big Brother) impose sa direction, sa volonté, donc son idéologie aux dominés et il ne fait pas bon être déviant : par exemple opposé aux Droits de l’Homme dans une démocratie occidentale ou partisan des Droits de l’Homme en Chine.
Mais le problème est que l’Homme n’est pas une abeille, ni une fourmi, ni un canard sauvage, ni un loup, ni un éléphant. Dieu l’a doté d’un langage articulé et d’une intelligence abstraite qui lui permettent d’exercer le don noble et redoutable de la liberté. Il veut être connu, adoré et servi par des êtres responsables de leurs choix, ce qui les oblige éventuellement à sortir du troupeau lorsque, décidément, et en conscience, ils ne peuvent plus suivre le “mâle dominant”. Il en résulta de grands drames en Angleterre et en France, mais il semble que les Allemands, dans leur ensemble, fatigués de trop de querelles théologiques et de guerres, soit par conviction, soit par intérêt, soit par nécessité, se sont accommodés de la religion qui leur était imposée.
Et puis il peut arriver que la contrainte soit vécue comme une vocation. Exemple, cette petite Mechtilde (1240-1298), arrière-grand-tante de Ste Elisabeth de Hongrie, qui, dès l’âge de cinq ans, fut vouée à devenir Augustine dans le couvent de Diessen fondé par ses parents. On ne peut pas dire qu’elle avait choisi son orientation. Mais elle l’assuma si bien qu’aujourd’hui son squelette, précieusement conservé lors de la recon-struction de l’église, y repose tout habillé, dans une chasse, et qu’elle y est vénérée sous le nom de Sainte Mechtilde.
Comme dit le Pape Pie XII, “De la forme donnée à la société dépend et découle le bien ou le mal des âmes”. Or, une société catholique n’a pas exactement la même forme qu’une société luthérienne ou calviniste, et il est permis à des pèlerins placés sous le patronage de trois grands saints d’estimer que les gens à qui les traités de Westphalie ont permis de rester catholiques ont eu bien de la chance. Ce fut le cas, notamment, des Bavarois, des Suisses du canton de Schwyz où se trouve l’abbaye d’Einsiedeln et de ceux du canton d’Obwald où vécut St Nicolas de Flue. Mais quand ce dernier mourut, en 1487, Luther n’avait encore que quatre ans. Il n’eut donc pas à prendre parti dans les problèmes de la Réforme. Toujours est-il que malgré la sécularisation actuelle, ces länder et ces cantons catholiques ne pratiquent pas une laïcité aussi intransigeante que la France. Exemple : un crucifix bien en évidence au mur d’un restaurant ! Et figurez-vous qu’au canton de Schwyz, le 19 mars, jour de notre passage, est férié en l’honneur de la fête de St Joseph ! Ce jour-là, en pénétrant dans l’église d’Einsiedeln,
nous eûmes la surprise d’un concert de cor des Alpes, ces longues trompes de bergers au son grave, joué par six messieurs qui, ayant épuisé leur répertoire, allèrent le répéter devant le Rathaus.
La leçon de l’art baroque
Gloria in excelsis Deo ! s’écrièrent ces chanceux, ces heureux. Enfin, pouvoir reprendre nos dévotions à nos saints protecteurs et à la bonne Vierge Marie, exposer le Saint Sacrement dans de brillants ostensoirs et l’encenser dans de fumants encensoirs ! Fini de nous bassiner avec ces histoires de prédestination d’un petit nombre d’élus, et de bonnes œuvres qui ne servent à rien pour le salut. Avec la grâce de Dieu, on le fera, notre salut, et on aura le Paradis à la fin de nos jours…
Et in Terra , pax hominibus bonae voluntatis ! leur répondit Dieu le Père. À vous qui avez cherché mon Royaume, j’accorde largement le surcroit : la paix et tout ce qu’elle apporte de prospérité et de floraison de tous les talents.
Et voilà paysans, bourgeois, nobles, et communautés monastiques qui vivent à l’aise ; la natalité repart, comme en témoigne, sous le nom de putti
la foule des bébés de stuc, ailés ou non, qui grimpent aux colonnes et escaladent les retables. Beaucoup de bâtiments tombaient en ruine. On en modernisa quelques uns dont les murs étaient encore utilisables; on abattit énormément de vieilles bâtisses et on reconstruisit moderne: des châteaux dans le genre de Versailles et de belles grosses maisons bourgeoises à toits pentus, qu’on peignit aux douces couleurs de la glace à la vanille, à la fraise, à la pistache et à la crème Chantilly. Et puis des églises dans le genre italien, avec de larges fenêtres laissant entrer la belle lumière du soleil, des statues de saints dont les draperies sont agitées au souffle du Saint Esprit,
des retables au-dessus des autels, sculptés, stuqués, dorés, et surtout ces plafonds peints représentant le Ciel où, assis sur des nuages dans des attitudes impossibles à tenir en ce bas monde, les saints et les anges, en chœurs glorieux, chantent les louanges de la Reine des Cieux. Ah ! on n’avait pas honte, dans ce temps-là de prêcher sur la vie éternelle !
Quels chefs d’œuvres ces plafonds! Les frères Zimmermann, par exemple, mériteraient une plus grande célébrité pour leurs peintures. Et les ferronniers, les menuisiers, les doreurs, les marqueteurs, les facteurs d’orgue… que d’excellents artistes et artisans qui, sans être moines et sans avoir fait vœu de pauvreté, vivaient à leur manière la règle de saint Benoit : Ora et labora. Ora? Bien sûr, qu’ils faisaient leur prière du matin et du soir et qu’ils allaient à la messe le dimanche. Labora ? Pour ça oui ! Ils la connaissaient cette ascèse toute naturelle qui consiste à se lever à l’heure dite et à passer toutes les heures ouvrables à faire le mieux possible ce qu’on est le plus capable de faire. Et pour quel salaire ? Juste un peu plus que le pain quotidien ? Et les grosses peines de la vie ? La Croix est en gloire partout dans leurs églises. Ils savent bien que chacun doit porter la sienne à la suite de Jésus qui a tout de même fait le plus gros du travail… En théorie, jusqu’au martyre. Ils en voient, des martyrs, qui meurent sur de grands tableaux semblables à des scènes d’opéra. Mais en ce qui les concerne, le risque leur semble minime.
Particulièrement significative est à cet égard l’histoire de l’église de Wies : Il était une fois une vieille statue du Christ aux outrages, enchainé à la colonne de la flagellation. Elle était démodée et mise au rancart. Une brave paysanne la récupéra et l’installa dans la salle de sa ferme. Et ne voilà-t-il pas qu’un beau jour, la statue se mit à pleurer de vraies larmes ! La paysanne n’en croyait pas ses yeux, fit constater le fait, le bruit s’en répandit et les pèlerins arrivèrent en foule si dense qu’il fallut leur construire une belle grande église rococo où l’on voudrait entendre du Mozart : l’Ave verum, chanté par un chœur d’enfants, ou l’ Et incarnatus est de la messe en ut, chanté par Nathalie Dessay… La pitoyable statue miraculeuse trône sur le maître-autel entourée de dorures, illustration parlante du plus célèbre passage de l’épitre aux Philippiens : Il ne se prévalut pas de son égalité avec Dieu mais s’anéantit lui-même prenant la forme d’esclave… (voilà la pauvre statue)
C’est pourquoi Dieu l’a souverainement exalté et l’a gratifié du nom qui est au-dessus de tout nom (voilà le retable doré et la grande église baroque).
Vraiment, on était heureux en ce temps-là, c’était une bonne et joyeuse société ! C’était le meilleur des mondes possibles !
Le revers de la médaille
Ces délicieuses églises aux tendres couleurs pastel, avec leurs colonnes de bois peintes en faux marbre et leurs plafonds et coupoles en trompe l’œil, malgré leurs dimensions souvent imposantes, donnent une impression de légèreté. Il leur manque un contre–poids. Lequel ? Le jugement dernier, l’enfer et le purgatoire qu’on y voit si peu que pas…
On commence à y glisser sur la pente qui mène où nous en sommes, et qui sait peut-être encore plus bas si nous ne réagissons pas.
Un orage éclate soudain et ébranle le bel édifice. De stupéfiantes nouvelles arrivent de l’Ouest : le peuple le plus civilisé, celui qui donne des leçons de belles manières à toute l’Europe, noie ses prêtres et décapite en série ses élites. Les soldats de l’An Deux qui, dans leur épopée, marchent sans pain et sans souliers, se révèlent de redoutables pillards. Un nommé Napoléon, “l’ogre corse”, sécularise les abbayes et couvre de cadavres les champs de bataille dont il parsème l’Europe. Pour quelques années, Dieu a lâché Satan et c’est l’enfer sur terre. Un avertissement ? Comme celui de la Tour de Siloé (Luc 13, 1-5) “Si vous ne vous convertissez pas, vous périrez tous de même” ? Bien peu l’entendirent et beaucoup prêtèrent l’oreille à deux voix apparemment contradictoires mais qui convergeaient vers le même résultat pratique.
Une voix athée disait : « Si Dieu, que vous dites si bon, existait, il ne permettrait pas des choses pareilles. Ne voyez vous pas que ce pain et ce vin que vous dites “le corps et le sang du Christ” sont en réalité un opium, une drogue soporifique avec laquelle vous endormez le pauvre peuple pour lui faire accepter ses malheurs et pour mieux l’exploiter ? Quittez vos illusions, n’attendez pas un “autre monde”, occupez-vous de celui-ci et tâchez de réaliser le Paradis sur terre”
Une voix pieuse disait : « Comment peut-on, concevoir que Dieu qui est si bon, si miséricordieux, condamne à des peines éternelles de pauvres pécheurs ? L’enfer n’est sans doute qu’une hypothèse d’école pour nous stimuler ; à supposer qu’il existe, selon toute probabilité, il est vide, et nous irons tous au Paradis…” – “Ah ! bon ? Nous irons tous au Paradis? Alors, pas la peine de s’en faire. On verra bien le moment venu. À présent, occupons-nous de ce monde-ci et essayons de le rendre aussi agréable que possible”
Les deux voix se mêlent pour prêcher, jusque dans nos églises, le développement durable de ce monde qui passe. On oublie le jour J, depuis qu’on ne chante plus, aux messes d’enterrement, dies irae, dies illa solvet saeclum in favilla ce “jour de colère” où le monde sera ”réduit en cendres”. On va faire une planète propre, naturelle, où l’humanité, qu’on empêchera, par tous les moyens possibles, de dépasser un nombre minimal d’individus, coexistera avec toutes les espèces animales, et constituera une société juste, fraternelle, égalitaire, métissée, sans frontières, sans discrimination de sexe, ni de race, ni de religion… Ni de religion ? non, non ! toutes les religions sont bonnes, on fera une mixture du minimum commun à toutes, et ce sera le Mouvement d’Animation Spirituelle de la Démocratie Universelle ».
Holà ! Qu’est-ce que j’entends ? rugit Saint Paul du fond de l’autre
monde. Gare à vous ! Vous êtes pires que ce fous de Galates auxquels je disais jadis : “Si nous–mêmes, si un ange venu du ciel vous annonçait un Évangile différent de celui que vous avez reçu, qu’il soit anathème” !
Une petite sainte et un grand saint nous ouvrent d’autres voies.
Il s’agit de Sainte Crescentia (1682-1744)
et de Saint Nicolas de Flue (1417- 1487).
Ils ne sont pas bénédictins.
Nous sommes allés chez eux leur rendre visite.
En 1682, quand vint au monde Anna Höss, sixième des huit enfants d’un tisserand, sa ville natale de Kaufbeuren était aux deux tiers protestante, (ce qui prouve que le principe cujus regio, hujus religio connaissait des assouplissements). En 1703, cette jeune fille de 21 ans destinée à être béatifiée en 1900 par Léon XIII et canonisée en 2001 par Jean-Paul II, aspirait à entre chez les franciscaines locales. Elle n’avait sans doute pas la dot qu’il fallait, comme dit La Bruyère, “pour faire vœu de pauvreté dans un riche monastère”, et elle y parvint grâce à l’aide, probablement financière, du bourgmestre protestant. À ce titre, elle est invoquée pour l’unité des chrétiens. Elle reçut en religion le nom de Crescentia “celle qui grandit”, et, de sa vie édifiante,
dont je n’ai pas entendu grand chose à cause de mes mauvaises oreilles, je retiendrai seulement une précieuse anecdote, bonne à se rappeler en cas de bombardement, séisme ou autre tsunami : Lors d’un orage, à la grande frayeur des religieuses, le poirier qui se dressait au milieu de leur jardin reçut la foudre. Quelques jours après, Crescentia fut réveillée par son ange gardien qui lui conseilla d’ouvrir sa fenêtre et de regarder dans le jardin. Et que vit-elle ? Notre Seigneur Jésus-Christ en personne, confortablement installé dans le poirier foudroyé, qui lui tint à peu près ce langage : “ Quand tout va au plus mal, dans les plus grandes catastrophes, quand tout s’effondre, tâche de garder ton calme. On ne me voit pas, mais je suis là. Je ne vous quitte jamais, fais-moi confiance”. Aujourd’hui, ce qui est à la mode, c’est plutôt le Zen… mais les bonnes sœurs de Kaufbeuren, encore en habit, ne sont pas à la mode et, dans leur jardin, il y a toujours un poirier…
La Suisse est moins réputée pour ses institutions religieuses que pour ses banques, fréquentées par des adorateurs du Veau d’Or en recherche d’un paradis fiscal plutôt que du Paradis. Elle n’a peut-être produit qu’un seul saint, mais il est si polyvalent et si actuel, quoique vieux de près de 600 ans, qu’il en vaut toute une brochette. Aujourd’hui, son village de Flüeli, à l’écart des grandes routes, possède un grand charme pastoral, une église qui est un vrai bijou de marqueterie et de peintures, dominant un paysage intact, et on y conserve pieusement sa maison natale, la maison d’habitation qu’il a lui-même construite, et son ermitage du Ranft. Nicolas, pour ses familiers Bruder Klaus soit, en français Frère Colas, tout en étant d’une grande piété, mène pendant les cinquante premières années de sa vie l’existence normale d’un paysan suisse du XVe s.: il épouse une bonne fille nommée Dorothée, avec laquelle il a cinq fils et cinq filles, qu’il entre-tient avec aisance, grâce à son travail acharné. En quoi on peut l’invoquer comme défenseur de la paysannerie, de la vie, des hétérosexuels et des pères de famille “ces aventuriers du monde moderne” selon le mot de Péguy. Il est trois fois mobilisé, en 1436, 1443 et 1460 pour défendre son canton, notamment contre les prétentions de l’Autriche qui a trouvé une alliée dans la ville de Zürich, en quoi on peut l’invoquer pour les patriotes identitaires. Son chapelet dans une main et son épée dans l’autre, il fait montre de bravoure à la guerre et de modération dans la victoire, sauvant de l’incendie un couvent où étaient enfermés des prisonniers autrichiens. En quoi on peut l’invoquer pour les militaires en opération. Bien qu’il soit illettré, comme la plupart de ses semblables à l’époque, il a une grande réputation de sagesse, qui lui permet d’accéder à des rôles de juge et de conseiller cantonal. Mais il refuse la dignité de “landmann” qui lui est offerte et renonce à ses fonctions de juge un jour où il ne peut empêcher ses collègues de prononcer une sentence inique. En quoi il peut être tenu pour patron des hommes politiques et des magistrats.
Mais toutes ces excellentes qualités seraient restées dans l’obscurité de l’histoire si, âgé de 50 ans, à la fin de l’année 1467, ayant obtenu le consentement de son excellente épouse, il n’avait laissé derrière lui toute sa famille et ses terres, afin de vivre en ermite dans le profond ravin du Ranft.
Il est désormais, pendant vingt ans, le siège d’un de ces phénomènes mystiques que Dieu accorde à quelques uns pour confondre le monde éberlué et incrédule qui contrôle, observe, et enrage de ne pas parvenir à déceler de supercherie : Il y vit sans absorber de boisson ni d’autre nourriture que l’eucharistie qu’il reçoit une fois par mois. Un jeûne absolu! Son occupation est de méditer sur la Sainte Trinité au moyen d’un cercle muni de six rayons dont trois vont du centre (la divinité) vers la circonférence (qui représente le monde) et trois de la circonférence vers le centre. Mais son désir de solitude n’est guère exaucé. Une foule de gens descendent jusqu’à lui et remontent munis de conseils judicieux. En 1481, alors que la Suisse était au bord de la guerre civile, c’est lui, l’ermite du Ranft, qui assure la paix en obtenant que la Confédération accueille en son sein les cantons de Fribourg et de Soleure. Cela lui vaut le titre de “Père de la Patrie” et d’avoir des chapelles à lui dédiées, où il est prié pour la paix un peu partout où il y a des conflits, jusqu’aux Philippines et au Burundi !
Que de leçons à tirer de cette vie à la fois si normale et si extraordinaire, si simple et si complexe ! Exhumé en 1518, il est placé dans un tombeau de marbre où se répand une douce odeur, dans l’église de la ville voisine de Sachseln qui est agrandie et modernisée. Dans son état actuel – une noble église aux colonnes de marbre noir, classique plutôt que baroque – elle remonte à l’année de sa béatification, 1672. Quant à sa canonisation, les Suisses durent prier jusqu’en 1947 pour l’obtenir, convaincus que c’est lui qui avait préservé leur pays d’une invasion des Allemands en 1940. Certains avaient vu, ou cru voir, dans le Ciel, une main protectrice leur barrer le chemin. Quant aux minarets, est-ce lui qui a inspiré le vote qui les a interdits ? Certains doivent bien le penser.
Quand vous pénétrez dans l’église de Sachseln, vos yeux sont attirés par un gisant moderne tout doré encastré sous une vitre dans la pierre noire du maître-autel élevé sur son tombeau. C’est lui, Nicolas, qui vous attend. Au dehors, Dorothée, statufiée avec quelques uns de ses enfants, attend d’être, peut-être, un jour, elle aussi, béatifiée.
Note annexe : Crescentia a dû attendre 156 ans sa béatification et 257 ans sa canonisation. Nicolas 185 ans sa béatification et 460 ans sa canonisation. Cela pourrait faire réfléchir la congrégation pour la cause des saints sur les dangers de la précipitation. Que des fidèles crient « Santo subito ! » est une chose. Que l’Église ratifie dans la hâte en est une autre…
Retour à Ottobeuren. Le cas de Reinald
St Nicolas de Flüe était notre première étape. Nous eûmes la surprise de le retrouver quelques jours plus tard à Ottobeuren grâce à Franz Fakler et à Reinald Scheule, qui n’est pas seulement l’organiste qui nous avait fait visiter l’abbaye. Il est aussi le père de six enfants, un membre actif de l’association de la jeunesse rurale catholique, et le président d’une association Bruder Klaus Krypta Verein dont la finalité est l’installation d’une chapelle en l’honneur de St Nicolas de Flüe dans les énormes fondations de la basilique baroque actuelle (la cinquième de celles qui se sont succédé sur le site), qui n’ont jamais servi de crypte.
Pourquoi, en effet aller bâtir à neuf, alors qu’on a des hectomètres de souterrains inutilisés, d’une solidité à toute épreuve ? Le problème est que ces hectomètres sont pleins de tonnes de gravats et de détritus. De week-end en week-end, des bénévoles, sans aucune aide ni subvention assurent le déblayage, l’évacuation des gravats, la lutte contre l’humidité, la peinture, la pose de l’électricité… Tout n’est pas encore achevé, mais déjà on peut se réunir dans un lieu solennel et un peu mystérieux et y prier pour la paix devant une icône de St Nicolas, ce que nous ne manquâmes pas de faire !
Sur le mur de sa maison, comme ça se fait là-bas, Franz a mis une fresque avec une inscription. Elle dit en allemand quelque chose comme “Pourquoi nous soucions-nous tant de notre habitation sur cette terre et si peu de notre demeure dans le Ciel ?”
Et l’Église d’aujourd’hui ? Réponse à Wigratzbad
C’est notre dernière étape. Nous approchons du lac de Constance et de la ville de Lindau où le père d’Antonie Rädler (1899-1991) est boucher.
En 1919, à l’âge de vingt ans, elle est atteinte de la grippe espagnole, mais “la Vierge lui apparaît, lui impose les mains et la guérit”. En reconnaissance, ses parents érigent dans leur jardin une grotte de Lourdes, qui fut bénie par le père Basch, curé de la paroisse, le 11 octobre 1936, fête de la Maternité de Marie. Le mois suivant, la statue lui sourit et lui enseigne une prière “Mère de la Victoire, conçue sans péché, prie pour nous !” Antonie continue à travailler dans la boucherie de son père qui n’est pas halal, et où trône, accroché au mur, un tableau de la Sainte Vierge. Un jour, la Gestapo s’y rend et lui ordonne de le remplacer par celui du Führer, et d’adresser aux clients le salut Heil Hitler plutôt que Grüss Gott “que Dieu te bénisse”, manière usuelle de dire “bonjour” en Bavière. Elle fait la sourde oreille, les représailles suivent, et elle échappe de justesse à plusieurs tentatives de meurtre notamment à une noyade dans le lac. Elle dit avoir été protégée par un mystérieux cycliste qu’elle appelle “mon ange gardien en vélo”.
Le 15 décembre 1936, jour de l’octave de l’Immaculée Conception, tandis qu’elle récite le troisième mystère douloureux du rosaire devant la grotte de Lourdes, elle entend des bruissements d’ailes comme s’il y avait des myriades d’anges et “des choeurs angéliques” chanter “Immaculée Conception, Mère de la Victoire, priez pour nous.”
Et voilà que le 22 février 1938, vers six heures trente du matin, la Vierge apparaît à une autre jeune fille, Cécilia Geyer : « J’entendis comme un léger murmure, et, d’une nuée lumineuse qui devenait de plus en plus grande, la Mère de Dieu sortit, exactement semblable à la statue de Wigratzbad. Soudain, je me trouvai dans cette grotte. L’apparition me dit: “Edifiez-moi ici une chapelle, je foulerai aux pieds la tête du serpent infernal. Les gens viendront ici en foule, et je répandrai sur eux des flots de grâces. Saint Joseph, saint Antoine et les âmes du purgatoire aideront Antonie”. Puis la grande dame m’ordonna : “Va, à présent, adorer mon Divin Fils devant le très saint sacrement. – Où donc pourrais-je le faire ? A cette heure, le saint sacrement n’est exposé nulle part. ” Alors, devant mes yeux étonnés parut, à l’endroit qui m’avait été désigné, une chapelle. A l’intérieur, sur l’autel, Jésus trônait dans un ostensoir magnifique qui projetait de tous côtés des rayons d’une merveilleuse lumière. »
Le 17 juin 1938, le gouvernement du land de Bavière autorise la construction de la chapelle dédiée à Marie ” Mère de la Victoire ” sur le terrain offert par les parents d’Antonie Rädler, alors qu’à part des édifices qui servaient à la guerre, rien ne pouvait être construit à ce moment en Allemagne.
C’est dans cette chapelle, auprès de la modeste et naïve “grotte de Lourdes” que nous avons participé à la messe.
Les travaux commencent le 2 juillet 1938, L’inauguration est fixée au 8 décembre, fête de l’Immaculée Conception, mais Antonie est arrêtée par les nazis le 21 novembre. Elle est incarcérée dans une prison de droit commun et subit d’interminables interrogatoires. Durant la nuit du 7 au 8 décembre, elle voit un grand nuage surgir dans sa cellule, et soudain la Vierge lui apparaît. Elle lui annonce sa libération imminente : elle passera Noël en famille. Notre-Dame lui apprend la prière de l’Enfant Jésus que l’on récite encore aujourd’hui au sanctuaire. Antonie est libérée le 18 décembre en la fête de l’Expectation de la Vierge [??]. [Renseignements trouvés sur le site mariedenazareth.org qui publie tous les jours un message intitulé “Une minute avec Marie”. Ceux qui le gèrent ont glané ça dans un livre sur Wigratzbad de René Laurenin et Patrick Sbalchiero]
Dès lors, les pèlerins affluent à Wigratzbad et nous sautons d’un bond à l’année 1988. Que se passe-t-il donc ? Le 30 juin, Monseigneur Lefebvre, ayant rompu des négociations difficiles qu’il menait avec le Vatican, notamment avec le cardinal Joseph Ratzinger, naguère archevêque de Munich et alors préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, vient d’ordonner quatre évêques pour sauvegarder sa Fraternité Saint Pie X, son séminaire d’Écône, et, dans son intégrité, pense-t-il, la foi de l’Église. Jean-Paul II, qui espérait trouver un compromis avec l’évêque contestataire, ne s’attendait pas à ce coup et réagit dans l’urgence. Il faut, s’il se peut, vider Écône, et accueillir les transfuges qui n’acceptent pas la décision de leur supérieur. Dès le mois de juillet, ils sont 11 prêtres et un diacre. Les choses ne trainent pas! En Octobre, on crée pour eux, en face de la Fraternité St Pie X, une Fraternité Saint Pierre de droit pontifical (relevant directement de Rome, non des évêques locaux) qui sera vouée à dire la messe selon le rituel en usage en 1962. En novembre, c’est la rentrée du tout nouveau séminaire de cette toute jeune fraternité avec 31 séminaristes. Où ça ? Dans un lieu champêtre et miraculeux déniché par l’ex-archevêque de Munich: Wigratzbad! où l’on édifia, dans un assez vaste espace arboré, quelque chose qui ressemble à un campus universitaire, avec des constructions basses et une chapelle ultra moderne au plan intéressant et à la réalisation d’une grande laideur. Nous y fumes reçus par le vice-recteur, l’abbé Bizard qui nous offrit du café et des gâteaux, nous parla de la vie de l’institution, et voulut bien répondre à quelques questions indiscrètes auxquelles il donna les réponses prévisibles. Pour plus de détails, rendez-vous sur leur site. Il est plutôt content: Dix ans après la fondation, en 1998 ils avaient déjà ordonné 47 prêtres. Actuelle-ment, en 2010 ils en ont 219 en exercice de par le monde, en France, en Allemagne, aux USA, en Autriche, en Suisse, en Belgique, en Hollande et en Grande Bretagne, là où il y a des évêques qui acceptent leur présence, ce qui n’est pas le cas à Paris. Outre le séminaire de Wigratzbad qui accueille des séminaristes de langue française et allemande (dont une majorité de Français), et qui a tellement de demandes qu’il faut agrandir les locaux, ils en ont maintenant deux aux Etats-Unis pour les séminaristes anglophones.
St Pierre n’a pas mis au programme de ses élèves les textes du Concile Vatican II “qui ne sont pas infaillibles”, mais ils s’y réfèrent à l’occasion. Il reçoit de temps en temps, en visite, pour de petits séjours, des prêtres du clergé diocésain, mais c’est rare. St Pierre et St Pie X ne se battent ni ne se parlent. Les uns et les autres portent soutane, disent la même messe et récitent le même Credo, mais ils s’ignorent. Écône ne s’est pas vidé et Wigratzbad s’est rempli. Depuis, Benoit XVI a créé le Bon Pasteur, sorte de St Pierre bis, dont les membres – ô grande nouveauté – sont autorisés à formuler des “critiques constructives” du Concile. D’autres institutions, plus ou moins traditionnelles ou charismatiques, recrutent des jeunes gens qui n’auraient voulu ni d’Écône ni des séminaires diocésains d’aujourd’hui tels qu’ils sont. Cela fait toujours, dans une moisson qui en man-que cruellement, un peu plus d’ouvriers courageux, qui ne s’attendent pas à avoir la vie facile. Alors, bon vent !
Conclusions
Nos amis, Robert et Claudia Mestelan, ont eu bien du mérite d’organiser ce pèlerinage pour un prix aussi serré que possible. Établir l’itinéraire, compter les kilomètres, prévoir les étapes, les horaires, l’hébergement, prendre les contacts nécessaires, verser des arrhes, Oh ! là, là que de tracas offerts au bon Dieu pour le salut de nos âmes ! Tant pis pour ceux qui ne sont pas venus. Ils ne savent pas ce qu’ils ont perdu.
Une entreprise de ce genre a un côté “tourisme” et un côté “retraite itinérante” qui se complètent plutôt qu’ils ne s’excluent. Notre Père abbé Robert et notre Révérende mère Claudia, dont les cordes vocales sont infatigables, on fait prévaloir le côté “retraite” en nous faisant consommer sans aucune modération, surtout pendant les longs trajets en car, chapelets, cantiques, invocations, prières et lectures pieuses. Chacun, au fond de son cœur, adhérait plus ou moins à ceci ou à cela, mais au total il était quasi impossible de laisser son esprit vagabonder sur des sujets extra–religieux, ce qui était le but recherché.
Nous avons rendu grâce à Dieu pour avoir créé des paysages sublimes, et inspiré des monuments magnifiques. Alors que la vocation religieuse d’un enfant est un drame dans tant de familles, nous avons rencontré des religieux et religieuses si bien installés dans leur état de vie qu’il paraît parfaitement normal. Et, chose également réconfortante, des laïcs d’une foi et d’un dévouement exceptionnel. Dans le monde où nous avons vécu pendant une semaine, écoutant à chaque étape des histoires d’apparitions, de locutions et de miracles, le surnaturel devenait tout naturel. Chaque lieu, chaque personnage dont on nous parlait donnait lieu à des réflexions historico-religieuses assez riches pour qu’il m’ait fallu 12 pages pour les écrire ! Vraiment, Dieu a donné des trésors à l’Europe chrétienne. Il ne faut pas les laisser oublier, déformer, calomnier. Il faut en faire profiter le monde entier ! Ces “racines” sont des “semences” pour d’autres développements futurs.