Les historiens sont rarement tous du même avis, beaucoup pensent pourtant que Saint Colomban et ses douze disciples, lorsqu’ils ont quitté l’Irlande, se sont arrêtés dans le Sud de la Cornouaille anglaise: deux petites villes, Saint Colomban mineur et Saint Colomban majeur, ainsi que la Route St Colomban ont garde cette trace fugitive.
Voilà pourquoi, en quittant l’Irlande à Rosslare, nous avons débarqué au Pays de Galles à Pembroke avec l’intention de connaitre la Cornouaille. Comment deux pèlerins catholiques allaient-ils être accueillis dans ce Royaume, solidement engagé dans le schisme et le rejet de Rome depuis la folle décision prise par le roi Henri VIII le 25 juin 1559 d’être désormais le seul chef de l’église d’Angleterre?
L’accueil a été généreux et très cordial, mais il nous a fallu déployer des trésors de patience et d’endurance pour trouver les paroisses catholiques romaines du Pays, nous faire reconnaitre et trouver des frères et des sœurs dans la foi du Christ.
La Providence, grâce à vos prières et aux nôtres, nous a tous les jours permis de trouver un toit, de rencontrer des gens au cœur bon et généreux qui nous ont aidé à avancer, à rester en forme et à nous reposer lorsque le soleil était couché. On ne le dira jamais assez, le pèlerin sait que par ses propres moyens, il n’arrivera jamais à faire face à ses besoins essentiels.
Le premier jour, nous étions épuisés par une progression très dangereuse sur la route 747, lorsqu’à Broadmore nous sommes entrés dans la plus modeste des épiceries qu’on puisse imaginer. L’Archange Raphael nous y attendait: d’abord l’épicier nous a sourit, puis il nous a vendu tout ce dont nous avions besoin, un sandwich et de l’eau fraiche et surtout il nous a offert une carte du Pays de Galles spécialement éditée pour les cyclistes, qui allait nous indiquer les chemins paisibles à utiliser. Cela s’est reproduit presque chaque jour sous différentes formes et nous avons trouvé chez un couple de pasteurs anglicans, dans des familles ou dans des communautés une porte largement ouverte et de belles rencontres.
Après le Pays de Galles nous avons traversé le Canal de Bristol en contournant les zones industrielles de Swansea, Cardiff et Bristol pour atteindre Barnstaple d’où nous avons poursuivi notre progression à pied. Par Bideford, Kilkhampton, Camelford et Wadebridge et en suivant la terrible route 39, nous avons fini par atteindre la région où saint Colomban probablement en l’année 585 avait fait escale avec ses douze disciples. Ce faisant, une terrible angoisse nous étreignait: dans ce pays avec si peu de paroisses catholiques romaines ou allions-nous trouver une messe pour la Pentecôte?
Eh bien, Saint Michel nous a trouvé ce lieu rare: il se trouvait très précisément entre Saint Colomban majeur et Saint Colomban mineur, à Saint Mawgan. Un lieu historique entre tous puisqu’il a abrité un des plus vieux Carmels d’Angleterre, grâce à la générosité de la famille de Lord Arundell qui offrit spontanément son Manoir de Lanherne lorsqu’il s’agissait de recueillir les sœurs anglaises chassées d’Anvers en 1794 par les troupes françaises. Apres la reformation et pendant les années terribles de la persécution anticatholique, Lanherne fut un haut lieu de la résistance catholique et c’est ici que Saint Cuthbert Mayne, canonisé par Paul VI y est souvent venu pour célébrer la Sainte Messe. Dénoncé et arrêté, il fut après un jugement rapide pendu, décapité et coupé en quatre. Un des membres de la famille réussit à rapporter sa tête, cette vénérable relique est vénérée tous les dimanches après la messe de dix heures et nous avons pu embrasser le haut du crane. Aujourd’hui par manque d’effectif, les sœurs Carmélites sont parties au Carmel près de Liverpool. Elles ont été remplacées par une communauté de frères et de sœurs Franciscaines de l’Immaculée. Dix sœurs, deux frères et un prêtre portant bure grise et coiffe blanche et la grande médaille de l’Immaculée sur leurs cœurs prient et travaillent en ce lieu béni où une belle paroisse continue à fleurir. Nous leur avons proposé de bâtir un oratoire de la Route de l’Europe chrétienne et la proposition a été accueillie avec enthousiasme.
En repartant nous avons dirigé nos pas vers le Mont Saint Michel anglais qui se trouve à la pointe extrême de la Cornouaille. A la différence du notre que la digue a ensablé, le Mont Saint Michel anglais est au milieu des eaux à une centaine de mètres de la rive. Emouvant pèlerinage sur ce haut lieu qui fut au moyen âge possession de la France avec une abbaye placée sous la juridiction de notre Mont Saint Michel. Elle fut ensuite confisquée et abandonnée à la Reformation. Propriété de la famille de St Aubin, on y admire de nos jours ses jardins et les appartements de cette noble famille, mais la chapelle a perdu son âme, elle n’est plus un sanctuaire digne du Grand Archange.
Par Truro et St Austell, nous avons enfin atteint le Carmel de Sclerder où les 11 sœurs du couvent nous ont accueilli avec générosité et des attentions de mères et de sœurs. C’est ainsi que nous avons eu la messe du premier mardi du mois dite par un saint prêtre dont la vocation récente lui fut donnée en observant simplement comment des amis catholiques se comportaient: vous voyez que l’exemple est contagieux et que chacun par son attitude peut être missionnaire.
Nous avons ensuite longé une côte superbe par un chemin harassant plein d’escaliers et de corniches pour arriver à Torpoint qui a la singularité d’avoir une chapelle consacrée à Sainte Jeanne d’Arc! Nous lui avons confié la France en nous réjouissant que sur le sol anglais elle soit aussi vénérée que chez nous. Puis par le ferry nous avons atteint Plymouth dont la cathédrale est consacrée à Saint Boniface un grand saint anglais du huitième siècle, grand évangélisateur de l’Allemagne du Nord. Comme Saint Colomban, un modèle de missionnaire Européen.
Ce soir nous quittons l’Angleterre et nous retrouvons demain matin le sol de France à Saint Malo.
Merci Seigneur, pour tous vos bienfaits! Bénissez les Anglais et tous les amis qui prient pour nous!
Robert et Claudia Mestelan