La petite fraternité de Tibériade fondée en Belgique en 1979, de tendance franciscaine et écologique, qui ne compte encore en 2014 qu’une trentaine de frères et treize sœurs, mais qui a des maisons non seulement en Lituanie mais aussi au Congo, et aux Philippines. Ces moines sont des “moineaux” qui prennent leur vol pour aller évangéliser en tout lieu. En Lituanie, ils sont quatre dont un prêtre, Michel. Les frères ont dû, pour leur apostolat, apprendre la langue lituanienne, ce qui n’est pas chose facile. Apparemment, ils se font comprendre sans problème. Le frère François nous a fait une causerie sur son histoire et Wikipédia aide à compléter les notes.
Depuis 1968, un laïc, qui allait devenir le frère Marc, vivait sur la commune de Lavaux Sainte Anne, dans une sorte d’ermitage en forêt d’Ardenne, où beaucoup de jeunes le visitaient. Il caressait l’idée de se marier, lorsqu’une nuit de Pâques, au monastère de Chevetogne, une décision s’impose à lui : Non, il ne se mariera pas, et il offrira au diocèse ce “lieu de passage” pour donner vie à une petite fraternité vivant dans l’unité, la prière et l’humilité. Accepté par l’évêque de Namur, il prononce ses vœux monastiques en 1979 et sera ordonné prêtre dix ans plus tard en 1989. Les débuts sont difficiles, ses premiers compagnons l’abandonnent et il reste seul jusqu’à l’arrivée d’un charpentier nommé Joseph qui offre de l’aider bénévolement à construire une chapelle, et qui devient, en 1985, le “frère Joseph”, peu à peu rejoint par quelques autres.
Il faut remonter au monastère belge de Chevetogne en lien avec les églises des pays de l’Est. Le frère Joseph de la Fraternité de Tibériade y fit des rencontres qui le conduisirent à participer à un camp organisé par Vytautas Toleikis, un professeur de Vilnius. Et c’est ainsi que, le 11 novembre 1991, l’année même où la Lituanie devient indépendante, alors qu’en Belgique, la fraternité croissait difficilement, les frères Joseph (aujourd’hui au Congo), Marc et Benoît prennent le départ pour Baltriskes et posent les premiers jalons de la future fondation!
Pourquoi “Tibériade”? Pourquoi un autel en forme de navire?
Le récit de la marche de Pierre sur les eaux a guidé le frère Marc dans le choix de ce nom: “Pour moi, suivre le Christ est un appel à marcher dans la foi. Bien souvent, j’avale quelques tasses d’eau bien salées, mais sans cesse, le Christ ressuscité me tire des profondeurs de la mer. En méditant l’Evangile, j’ai perçu combien ce lac et ses rives étaient riches de la présence de Jésus: réponse des premiers disciples à son appel, témoignage de confiance de Jésus qui dort dans la barque malgré la tempête et qui répond à la détresse de ses frères”. Il a tenu à ce que, par l’étude, ses frères reçoivent une formation solide et spirituelle pour devenir des moines-apôtres « tout terrain », dont certains pourraient devenir prêtres selon l’appel et les besoins de la mission, ce qui fut le cas de notre frère Michel.
Ceux que nous avons connus à Baltriskes y ont beaucoup travaillé de leurs mains, dans une grande pauvreté, restaurant l’église, modernisant le vieux presbytère, l’agrandissant pour pouvoir y recevoir des groupes. Au clocher séparé de l’église, un beau travail de restauration fut accompli par de jeunes ouvriers éduqués à la charpente par les frères de Saint Jean (heureuse coopération des deux communautés!). Ceux de Tibériade essaient de vivre en autarcie: Ils habitent, à peu de distance du presbytère, une ferme qui est un ancien kolkhoze, et se livrent aux joies du jardinage, dans un grand potager que nous avons admiré en compagnie du frère Séraphin, et aux joies de l’élevage de quelques animaux comestibles (volailles et moutons).
Ils élèvent aussi deux animaux non comestibles, des ânes qu’ils promènent le long des routes et qui leur sont fort utiles pour susciter la curiosité et engager de fructueuses conversations, notamment avec les enfants. Ils partent aussi en stop, parfois en ski de fond, visitent les familles, se laissant guider par la main de Dieu, qui leur réserve des rencontres parfois bien surprenantes, tout cela, bien sûr, entrecoupé de temps de prière et de lecture spirituelles. Ils ne vendent rien et beaucoup de gens les aident bénévolement. Ils ont leurs saints préférés, saint François, bien sûr, avec son amour des animaux et de la nature, sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et sa “petite voie”, mais aussi un jeune bienheureux italien, Pier Giorgio Frassati, et des moines d’Orient, Saint Séraphin de Sarov et saint Silouane.
Il faut reconnaître qu’ils ont été efficaces. À Complies à 21 heures, un jour de semaine, on trouve dans leur église, combien? trente? quarante personnes? venues des villages voisins à cette heure tardive, en pleine nuit, la plupart en voiture, certains en vélo, pour prier avec eux dans le plus grand recueillement. Combien, donc, à la messe du dimanche? Ils s’occupent, bien sûr des jeunes et des familles, leur proposent des week-ends, des retraites, font travailler de jeunes drogués, reçoivent les “alcooliques anonymes”, et essaient de contrebalancer l’influence de la vodka et de sectes comme les Témoins de Jéhovah.
Baltriskes, paroisse de campagne en déshérence, avec une assez grande église en bois, ornée d’une belle icône de la Vierge, habillée d’argent, et un vieux presbytère dans le genre “isba russe”.
Donc, c’est à Baltriskes qu’eut lieu, le 16 octobre 2014, la bénédiction solennelle de l’oratoire implanté en ce lieu grâce à la collaboration de “la Route de l’Europe Chrétienne” et de l’artiste lituanien qui a sculpté un petit groupe du Baptême du Christ qui trône en haut d’un tronc de chêne juste équarri servant de pilier, le tout se détachant sur fond de sapins et de bouleaux. Cette bénédiction avait réuni beaucoup de monde.
De l’église où notre chanoine avait soigneusement béni l’eau qui devait servir à l’aspersion, on se rendit en procession au lieu de la cérémonie. Il y eut des prières en latin, en français et en lituanien, des discours avec traduction du français en lituanien et vice versa, des chants dans les deux langues, beaucoup d’eau bénite jetée et d’encens balancé. Suivit un apéritif pour toute la petite foule présente et un repas festif dans la grande salle du presbytère, construite en 2007, où les frères avaient invité bon nombre de leurs amis du pays.
Assurément, ce n’était pas rien pour ces Lituaniens que des Français soient venus jusqu’à eux pour cette célébration fraternelle, et pour les Français, ce n’était pas rien non plus, que le spectacle édifiant, au fond de la campagne lituanienne, d’une ferveur bien rare en France. Une petite contribution à la rechristianisation de l’Europe, but de notre association? Oui, certainement.