Voyage-pèlerinage en République Tchèque octobre 2007

Voyage-pèlerinage en République Tchèque en octobre 2007 pour bénir l’oratoire de l’Enfant Jésus de Prague à Velehrad

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DU 17 AU 26/10/2007

[Si la forme de certains mots vous surprend, songez que j’applique les Rectifications orthographiques parues au Journal Officiel le 6 décembre 1990]

Le rendez-vous était à l’aéroport de Bâle-Mulhouse le 19/10 à 9 h. au comptoir d’ Easy Jet. JP comptait partir le 18 et passer une nuit à Bâle. Mais la SNCF en décida autrement. La grève prévue pour le 18 l’obligea à partir le 17 , à découcher deux nuits et à passer la journée du 18 à visiter la ville de Bâle, ce qui fut très agréable.

Pas de retardataire, vol sans histoire, on débarque à Prague le 19 pour déjeuner et déposer les valises dans une sorte de résidence universitaire catholique

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Nous sommes accueillis par le P. Jan Penaz, curé doyen de la petite ville de Velke Mezirici qui parle français avec assez d’aisance, sinon sans accent, et qui nous a servi de guide-interprète pendant tout le voyage, ayant laissé le soin de sa paroisse à ses vicaires à qui il téléphonait de temps en temps. Parmi les participants, un autre prêtre, l’abbé Gérard Trauchessec, naguère curé de choc dans le genre de celui de Domqueur, aujourd’hui membre de l’institut du Christ–Roi. Le premier s’habille dans la rue en pékin, mais avec col romain, en soutane à l’église, et dit la messe “ordinaire”. Le second ne quitte pas sa longue soutane noire et ne dit que la messe “extraordinaire”.

Nous sommes surpris dès l’arrivée par un froid de loup, sec et ensoleillé. À Bâle, il faisait aussi doux qu’à Paris. À Prague c’était autre chose ! Heureusement j’avais emporté des gants et de quoi entasser lainage sur lainage sous un léger imperméable, et j’ai trouvé à acheter pour 250 couronnes, soit 10 euros, un bonnet de laine couvrant bien les oreilles qui m’a été d’un grand secours. Le beau temps froid a duré jusqu’au 22 inclus (heureusement pour notre cérémonie en plein air !). À partir du 23, pluie et vent violent se sont ajoutés au froid sans le tempérer. Ajoutons à cela que la circulation dans Prague est encore pire qu’à Paris et que les embouteillages y sont interminables.

Nous avons visité beaucoup de sanctuaires, qui sont habituellement des endroits historiques, beaux, bien situés et bien entretenus et nous nous sommes gorgés de stucs, de dorures, de plafonds peints, de statues aux draperies agitées par le souffle du St Esprit, bref de toute l’exubérance du baroque d’Europe Centrale. Nous avons été gavés de pâtisseries et de viandes en sauce salée-sucrée à la mode du pays, et, de larges chopes, la bière a coulé dans nos gosiers.

LES TENANTS ET LES ABOUTISSANTS DE CE PÈLERINAGE

Ça commence par une histoire d’amour

Il y a déjà d’assez longues années, un certain Robert Mestelan, jeune retraité de l’armée où il était colonel, veuf d’une femme artiste qui lui avait donné quatre enfants, arpentait le chemin de Saint Jacques de Compostelle. De son côté, une certaine Claudia Bohren, suisse allemande, née protestante mais insatisfaite de diverses expériences faites au sein du protestantisme, s’était sentie poussée par je ne sais quelle inspiration irrésistible, à arpenter le même chemin. Ils se rencontrèrent et se plurent. Claudia ne savait rien du catholicisme. Robert la catéchisa si bien qu’elle devint une catholique ardentissime et qu’il l’épousa. Le nouveau ménage s’installa tout en haut d’un village du Vaucluse où Robert continue à peindre de jolies aquarelles dans son atelier : Lou Barri, 84740 Velléron, tél. 04 90 20 08 70, atelierloubarri@free.fr.

Mais là ne se bornaient pas ses activités . Le couple Mestelan entreprit de rechristianiser l’Europe et de l’unifier, non pas autour des “valeurs” maçonniques de notre actuelle Union Européenne, mais autour de son patrimoine chrétien. Et comment s’y prendraient-ils ? En y pèlerinant et en implantant dans tous les pays de l’Union des “oratoires”, autrement dit des édicules religieux en plein vent qui incitent à la prière des gens qui ne songeraient pas à entrer dans une église et qui “signifient que, d’un bout de l’Europe à l’autre, les catholiques sont unis dans la même foi”. Ils firent d’abord partie d’une association appelée “les amis des oratoires” mais un bisbille survint à propos de celui qu’ils voulaient implanter en Pologne – et qu’ils y implantèrent effectivement l’an dernier à Wadowice, lieu de naissance de Jean-Paul II. Ils prirent leur indépendance et fondèrent en 2006 leur propre association qu’ils baptisèrent “La Route de l’Europe chrétienne”

En avant, Marche !

Depuis une dizaine d’années, environ tous les deux ans, les deux Mestelan endossent leur sac, chaussent leurs gros souliers, ferment la porte de la maison de Velléron, et partent sur les routes pour plusieurs mois, à raison de 30 à 35 kms, soit 8 h. de marche par jour, ne sachant le matin où ils vont coucher le soir, demandant l’hospitalité de quelque salle paroissiale ou communale au curé, voire au maire, dormant tantôt dans un lit, tantôt sur la dure, comptant sur les rencontres providentielles pour propager la bonne parole.

– Après St jacques ils ont fait :

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– Velléron – Bethléem

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– St Michel du Monte Gargano (Italie) – Mont St Michel en France “La route des anges”

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– Vézelay – Kiev

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– Bangor (au nord de l’Irlande) – Loreto (Italie) “sur les pas de Saint Colomban”

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L’année 2004

Cette année-là a été déterminante. Ils étaient en route vers Kiev et traversaient l’Autriche. Ils ouirent parler d’une sorte de congrès qui venait de se tenir à Mariazell,

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où le cardinal Schönborn avait réuni les évêques et des personnalités politiques des pays limitrophes de l’Autriche récemment libérés du communisme pour définir une ligne de conduite d’inspiration chrétienne. Il en résulta une “charte de Mariazell” en sept points, dont les médias français ne dirent pas un mot, et qui se résumait à ceci :

1. Annoncer le Christ à ceux qui ne le connaissent pas, être ses témoins pas sa conduite –

2. Apprendre à prier et enseigner la prière à ceux qui ne prient pas –

3. Approfondir ses connaissances en matière de religion pour être capable de répondre aux objections –

4. rendre la religion visible par des signes ostensibles : images, croix, oratoires (le contraire de l’ “enfouissement” qu’on nous prêchait naguère) –

5. Sanctifier le dimanche et faire respecter le repos dominical –

6. protéger la vie humaine de la conception à la mort naturelle –

7. Promouvoir la solidarité en Europe et dans le monde.
Ils arrivaient après la bataille. Le congrès était terminé, mais ils furent reçus par le cardinal et sa charte devint la leur.

Et puis, ne voilà-t-il pas qu’entrés en Tchéquie et arrivés à Velké Mézirici, le curé qui leur ouvre sa porte se révèle être francophone et lui-même grand pèlerin, ayant fait à pied Velké – Rome et faisant marcher chaque année ses paroissiens les plus endurants sur une bonne centaine de km jusqu’au sanctuaire de Velehrad, dédié aux saints Cyrille et Méthode, apôtres des Slaves.

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Il en résulta une grande amitié et le projet d’implanter à Velehrad un oratoire dédié à l’Enfant Jésus de Prague. Et pendant trois ans, ils multiplièrent les démarches, réunirent l’argent, les bonnes volontés, et trouvèrent un sculpteur pour le réaliser. C’était notre pèlerinage qui, déjà, prenait tournure !
Tous ces vrais fous, assez raisonnables tout de même, l’avaient très bien organisé pour un prix défiant toute concurrence (330 euros en liquide à verser à l’arrivée sur place, non compris le billet d’avion, tout de même !). On ne nous fit pas marcher excessivement. Un bon autocar permit à l’entorse que je m’étais faite quelques jours avant le départ de se guérir tout doucement

L’enfant Jésus !

Eh ! oui, notre pèlerinage était placé sous le patronage de l’enfant Jésus ! Et pas seulement celui de Prague : celui de Beaune aussi, auquel, pas chiches, les Mestelan avaient implanté, en partant, un premier oratoire à Meursault (Côte d’Or) , “capitale des grands vins blancs de Bourgogne”, financé par un riche vigneron de leurs amis.

Ça a l’air bêbête ? ça ne l’est pas. Ils faisaient remarquer à quel point les enfants sont menacés dans notre société, quand ils ne sont pas tout bonnement tués dans le sein de leur mère : privés de baptême et d’instruction religieuse, ballotés entre des parents divorcés ou séparés, proie convoitée des pédophiles, soumis à une éducation sexuelle qu’on aurait naguère appelée “incitation à la débauche”, drogués… Tout cela est gravissime, et compromet l’avenir !

La dévotion à l’Enfant Jésus est d’origine carmélitaine. Au fond de leur cloitre, les sœurs sont confondues d’adoration quand elles contemplent le Verbe de Dieu, la Seconde Personne de la Trinité, le Tout Puissant s’incarner dans la créature humaine la plus impuissante : un nouveau né, in-fans “incapable de parler”, entièrement dépendant du lait de sa mère et des soins de son entourage. Mais quelle force d’attraction dans cet enfant qui attire à lui les hommages des bergers et des rois mages et la haine d’Hérode !

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Bref, celui de Beaune, où la congrégation des Béatitudes a succédé au Carmel, résulte des visions d’une certaine Marguerite du Saint Sacrement, aujourd’hui “vénérable” et un jour peut-être “bienheureuse”, à qui la statuette du “petit roi de grâce” a été offerte par le baron Gaston de Renty en 1643. Quant à celui de Prague, c’est le cadeau que fit Thérèse d’Avila en personne à Maria Manrique de Lara, noble espagnole qui, à une époque où le soleil ne se couchait pas sur les terres de Charles Quint et où Espagne et Autriche ne faisaient qu’un , partait épouser un seigneur tchèque de la famille Lobkowitz. C’est une statuette de cire de 46 cm, la taille d’un nouveau-né. Mais il n’est pas nu, ni couché sur de la paille , ni réchauffé par le souffle d’un âne et d’un boeuf! Non ! il est debout, couronné d’une lourde couronne ; d’une main il bénit, de l’autre il tient le globe et il porte des manteaux plus brodés, plus riches, plus royaux les uns que les autres, qu’on voit dans un petit musée attenant à l’église. Le P. Jan raconte qu’un dirigeant soviétique organisant un jour une visite à Prague (était-ce Kroutchev ? ou plutôt Gorbatchev ? je ne me souviens plus), demanda quel cadeau ferait le plus plaisir aux Pragois. On lui répondit : “un manteau pour le Petit Jésus”. Et il s’exécuta ! Mais rien dans le musée ne le signale particulièrement.

C’est la fille de Maria, Polyxène de Lobkowitz, qui en fit cadeau à un carme, le P. Cyrille de la Mère de Dieu, qui l’installa à l’église Ste Marie de la Victoire, dans le vieux quartier historique de Mala Strana, où il est encore, après bien des hauts et des bas, aléas des guerres et de l’histoire. “Depuis ce temps-là, est-il écrit au verso de son image, l’Enfant Jésus ne cesse de faire des miracles et de donner des grâces particulières aux croyants du monde entier. Pour eux, Prague sera toujours la ville de l’Enfant Jésus”.

Sur le site www.pragjesu.info, il y a des explications en tchèque, en anglais, en allemand et en espagnol, mais pas en français… Pour qui voudrait en savoir plus long, un peu de bibliographie :
J.-B. Roussot – L’enfant Jésus de Prague – éd. Résiac – 53150 Montsurs (par correspondance)
Sœur Giovanna ?? – L’enfant Jésus au Carmel , culte et spiritualité – maison d’édition dont le nom m’a échappé, sise 33 av. Jean Rieux 31500 Toulouse.

LE PROGRAMME

Donc, le vendredi 19 après-midi après avoir pas mal trainé, nous allons, dans la ville basse, non loin de la Moldava, large affluent de l’Elbe, objet d’un poème symphonique de Smetana, rendre une première visite au petit Jésus et au musée de ses manteaux, puis nous montons au sommet de la ville haute au couvent des Prémontrés, qui sont 74, avec une moyenne d’âge de 38 ans ! Nous trouvons là une messe ordinaire en tchèque , avec orgue, très solennisée. Après une longue causette du supérieur et la vénération des reliques du fondateur, St Norbert, nous sortons sur la terrasse d’où l’on doit jouir d’une vue générale sur Prague mais il fait nuit et nous n’en voyons que les lumières. On gèle! Vivement le car pour se réchauffer!

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Le samedi 20 au matin, nous faisons un peu de change, puisque la Tchéquie n’est pas encore passée à l’euro, et nous nous rendons à Notre-Dame des Neiges, chez les franciscains qui ne sont, eux, qu’une quinzaine (moyenne d’âge non précisée). Leur supérieur nous raconte des choses bien intéressantes sur la vie de l’Église du temps du communisme. J’en ferai à la fin un chapitre spécial. Nous nous répartissons entre la messe en français du P. Jan dans la grande nef et la messe extraordinaire de l’abbé dans une chapelle attenante. Quartier libre pendant une heure! Je m’achète un bonnet et je vais me réchauffer dans l’église la plus proche, St Ignace, super-baroque et dorée comme vous pouvez imaginer. Après le déjeuner, on retourne à l’aéroport récupérer quelques participants qui ont pris un autre vol ou sont venus par la route. Le groupe est complet, nous sommes 31 retraités pas trop croulants, pour la plupart originaires des environs de Velléron, donc du midi de la France, et aussitôt nous quittons la Bohême pour la Moravie.

On nous avait préparé des cantiques tchèques adaptés avec des paroles françaises pour que nous puissions chanter avec les Tchèques. On utilisa une partie du trajet à les répéter et, sans fausse modestie, je peux dire que si je n’avais pas été là pour les solfier, ça aurait été une belle cacophonie ! Durant les trajets en autocar, parfois longs, on récite le chapelet, on chante, on bavarde, et nos deux curés boute-en-train nous divertissent avec leurs anecdotes et leurs plaisanteries.
Après avoir traversé de grandes forêts aux magnifiques teintes d’automne, nous arrivons en fin d’après-midi à Velke Mesirici, la paroisse du P. Jan où nous devons passer deux nuits et une journée, logés et nourris chez l’habitant. Les organisateurs tiennent très fort à ce contact avec la population. À notre arrivée, nos logeurs nous attendent, alignés dans le vestibule, quasi au garde à vous. Des gâteaux, du café, du thé nous sont offerts. On nous répartit dans les diverses maisons et, pour la langue, on se débrouille comme on peut. J’avais pour cothurne une certaine Christiane, femme assez agréable avec qui je me suis bien entendue. Nous fûmes logées non à Velké même, mais au village de Martinice, à 10 kms de là, ce qui obligea nos hôtes à plusieurs allées et venues en voiture. Nous sommes tombées dans une bonne famille chrétienne où on dit le bénédicité à table et où tout le monde va à la messe. Nous avons été mal couchées mais très bien accueillies. J’ai envoyé en remerciement un beau livre sur Paris.

L’ascenseur social y avait évidemment fonctionné: Les parents étaient des gens très simples, le père, Iaroslav Pojar, mécanicien, la mère, Bojena Pojarova, au foyer, avec quelques occupations agricoles saisonnières. Ils n’avaient appris à l’école que le russe, seule langue vivante enseignée du temps du communisme. Mais ils disposaient d’une maison campagnarde assez grande et confortable et de deux voitures. Les deux filles avaient fait des études , l’une, célibataire, Élijka, 28 ans savait de l’anglais et travaillait dans un service financier de la ville. L’autre, mariée, Ivana, parlait un peu de français. J’ai aperçu son mari, je ne sais pas ce qu’il fait. Elle avait été plusieurs fois en France pendant ses vacances, à Lourdes, à Paris et aux châteaux de la Loire. Elle est pharmacienne de l’armée, en congé de maternité pour trois ans, avec son salaire réduit à 750 couronnes par mois, ce qui n’est pas grand chose mais mieux que rien. Simon, 6 mois, premier petit-fils de Iaroslav était l’objet de toutes les attentions de la famille.

On m’a demandé quel est le salaire moyen en France. J’ai répondu au pifomètre 2000 euros. J’ai peut-être été trop généreuse. D’après elles le salaire moyen en Tchéquie serait de 20 000 couronnes, ce qui fait à peu près 800 euros. La vie doit être beaucoup moins chère qu’en France. Tout de même, ce bonnet de laine, je l’ai payé 250 couronnes, soit 10 euros. Le magasin de sport où je l’ai acheté était-il un magasin de luxe ? Quoi qu’il en soit, les Tchèques ne font pas pitié, ils ne semblent pas dans la misère. Je n’ai vu à Prague qu’un seul et unique mendiant, sur le Pont Charles, là où passent tous les touristes. Et je n’ai vu personne coucher dehors. Il est vrai qu’avec ce froid… Je n’ai pas vu non plus de femmes voilées ni de “personnes de couleur”. Le climat, la langue, la monnaie de la Tchéquie ne sont pas des pompes aspirantes pour l’immigration.

Le Dimanche 21 se passe entièrement à Velké. On a, en principe, le choix entre la messe paroissiale et celle de l’abbé dans une autre chapelle, mais ceux qui sont logés dans les villages sont priés d’aller à la même messe que leurs logeurs. À Velké, 12.000 h., petite ville industrielle, il y a quatre messes dans la matinée du dimanche et l’église ne désemplit pas.
Entre messe et déjeuner nos deux jeunes logeuses ont l’idée géniale de nous faire visiter le château de la ville et, de tout le groupe, nous sommes les seules à avoir eu ce privilège : un bon gros château provincial et germanique où réside encore Madame la Duchesse. Nous y avons remarqué une salle délicieusement peinte de paysages de la région par un artiste inconnu, et divers souvenirs émouvants : un bonheur du jour ayant appartenu à Marie Antoinette, un collier de pierres noires, bijou de deuil ayant appartenu à l’impératrice Marie-Thérèse sa mère, et, sous verre, un mouchoir taché de sang avec lequel un suivant de l’archiduc Ferdinand a essayé d’arrêter l’hémorragie quand il a été assassiné à Sarajevo, étincelle qui mit le feu aux poudres de la guerre de 14. Plusieurs photos du dit archiduc et de sa femme, autour de cette relique.

L’après-midi est consacré à une sorte de colloque où il s’agit de la situation comparée de l’école et de l’Église en France et en Tchéquie. Mes mauvaises oreilles ne m’ont pas permis d’en retenir grand chose, mais nous avons eu le privilège de voir et d’entendre une vieille petite dame qui, du temps du communisme, avait sacrifié sa situation d’institutrice parce qu’elle ne voulait pas enseigner le marxisme à ses élèves et était devenue catéchiste. Je pense que ce genre de résistance peut être mis au catalogue de l’ “héroïcité des vertus” quand il s’agit de béatifier quelqu’un. La réunion se termine par thé, café, buffet, gâteaux, canapés, sandwiches. Plus besoin de diner après ça !

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Lundi 22 Dès 7 h. du matin, départ pour Velehrad, bourg de 3000 h. au diocèse d’Olomouc, Olmütz en allemand, qui présente l’intérêt historico-religieux d’être le lieu de la première implantation en terre slave des deux apôtres Cyrille (827-869) qui inventa l’alphabet cyrillique et de son frère Méthode (815-885), et l’intérêt artistique de posséder une très belle basilique baroque dédiée à ces deux saints, but de pèlerinage très fréquenté. Méthode survécut de longues années à Cyrille mort à 42 ans pendant un séjour à Rome, où j’ai vu son tombeau l’an dernier à l’église St Clément, Il est probablement mort à Velehrad, mais on ignore l’emplacement exact où il a été enterré .

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On s’installe pour trois nuits dans un agréable petit hôtel campagnard au confort impeccable et on termine la matinée par la visite “touristique” de la basilique en attendant la visite “religieuse” de l’après-midi.
Après le déjeuner, on va prendre chez les sœurs nos voisines le café accompagné des petits gâteaux probablement “maison” qu’elles nous ont préparés. Presque partout les mêmes petits gâteaux : des boulettes de pâte levée à la levure de boulanger, avec un peu de confiture à l’intérieur, et saupoudrées de sucre glace.

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Cette congrégation des “sœurs de St Cyrille et Méthode” a été fondée en 1905 par l’évêque Cyrill Stojan, restaurateur de la basilique, pour prier pour l’unité des Chrétiens et tout spécialement de l’Église qui se dit “orthodoxe” avec celle qui se dit “catholique”. Elles sont en habit, assez nombreuses, et ont des novices tout en blanc qui nous ont servi le café . Elles ont une grande maison avec une chapelle ultramoderne où nous avons été prier un moment.

Après quoi ça a été le début de la grandissime cérémonie présidée par l’archevêque d’Olomouc, 1 m 95, majestueux et bonhomme, grand messe ordinaire d’une solennité tout à fait extraordinaire, et procession jusqu’à l’oratoire, sculpté dans un très beau style, où on va déposer la copie en pierre (70 kgs) de l’enfant Jésus de Prague, tout joli, tout mignon, avec son beau manteau peint en rouge. Le curé, le maire, le préfet, toutes les autorités disponibles sont là ainsi qu’une grosse foule de gens du pays, et la fanfare locale nous escorte . Chants ! Discours ! La fanfare joue l’hymne tchèque et la Marseillaise, puis quelques polkas et termine son concert par une valse qui donne a tout le monde envie de danser, et quelques couples, effectivement, se mettent à tourner. Arrivent pour finir, des plateaux de petits gâteaux et une grande fontaine de thé chaud qui est la bienvenue par le temps qu’il fait. La nuit est déjà noire quand on regagne l’hôtel pour un repas de gala où l’archevêque et plusieurs autorités de la région sont invités et y vont de leur petit discours. Je me trouve placée non loin du curé qui paraît 25 ans mais en a plus de quarante (20 ans de sacerdoce). C’est le plus jeune occupant d’une jésuitière qu’il habite en compagnie de sept autres vieux jésuites. Gloire aux Jésuites, qui ont recatholicisé la Bohême luthérienne après la bataille de la Montagne Blanche. Sans eux, nous ne verrions pas toutes ces belles églises baroques de contre-réforme ! Mais ceci est une autre histoire dont il sera question plus loin. Bref, une belle journée ! Le clou du voyage !

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Mardi 23 C’est notre journée de la bataille d’Austerlitz. Robert Mestelan nous emmène sur le site non par bonapartisme, dit-il, mais afin de nous faire apprécier le courage des troupes dans la marche et dans le combat (ça sous-entendait, pense JP, “les gens confirmés ne sont-ils pas les soldats du Christ ?”) et de prier pour l’Europe dont la civilisation chrétienne est attaquée de partout (oui, ajoute JP et pas seulement de l’extérieur par l’islam, mais de l’intérieur par l’idéologie de la Commission Européenne qui non contente de refuser de reconnaitre le fait historique de ses racines chrétiennes, fait, par ses directives, tout ce qu’elle peut pour les couper. Et puis attaquée aussi par la dénatalité des gens de cette civilisation, qui ne seraient que 900 millions, Amérique et Australie comprises, dans un monde de combien de milliards d’individus ? Et là on rejoint le culte de l’Enfant Jésus ). Elle soupçonne encore une autre raison. R. Mestelan n’était pas le seul, parmi les messieurs du groupe, à être passé par Coëtquidan, à avoir étudié sur le papier la bataille d’Austerlitz et à trouver intéressant d’aller repérer le terrain pour de vrai.

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Cette bataille, on nous l’a expliquée trois fois, et je n’ai pas encore réussi à très bien tout comprendre, n’étant pas forte en stratégie : d’abord dans le car, ensuite par vidéo au château de Slatkov (en allemand Austerlitz) visité le matin, qui est une sorte de petit Versailles morave, puis encore une fois, l’après-midi, par video, au musée du plateau de Pratzen où nous avons été guidés par son directeur, un Tchèque passablement francophone, tellement francophile et bonapartiste qu’il a été, lors d’un voyage en France, se recueillir à Lectoure sur la tombe du maréchal Lannes !!
Dès le réveil, il pleut fort, il souffle un vent à décorner les bœufs et les jours suivants, le temps est gris et pluviotant et à peine moins froid. Le 2 décembre 1805, il ne pleuvait pas mais il y avait du brouillard et il faisait surement encore plus froid qu’aujourd’hui. J’imagine le plaisir qu’ont pu avoir les grognards à crapahuter sous la mitraille pendant de longues heures sur les pentes du plateau de Pratzen. Le bilan final est un certain chamboulement des structures de l’Europe, et sur le terrain 23000 morts du côté austro-russe et 8000 du côté français, enterrés tous sur place dans des fosses communes.

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Bien des années après, un prêtre de la région, choqué que ce vaste cimetière ne soit ni visité ni honoré, entreprit de construire sur le site une “chapelle de la paix”. Il réunit des fonds, sollicita les gouvernements concernés (la Russie fut la plus généreuse) et réussit à édifier une très belle chapelle dans le “modern style” à la mode en Autriche au début du XXe s. Le gros œuvre était achevé lorsque éclata la guerre de 14. Elle ne fut inaugurée qu’en 1923, juste 16 ans avant que n’éclate une autre guerre encore plus horrible. Aujourd’hui encore, il arrive que des paysans, dans leurs labours retrouvent des ossements qu’on rassemble dans cette chapelle.
JP ne se console pas de deux choses : d’abord de ne pas retrouver la plaquette qui donnait toutes les explications sur la bataille et l’édification de la chapelle avec de belles photos. Où a-t-elle bien pu la perdre ? Elle se console encore moins que notre messe quotidienne n’ait pas été célébrée dans cette chapelle, ce qui aurait été tellement significatif, mais qu’on ait prévu de le faire au retour à Velehrad devant une assez quelconque icône de “Notre Dame de l’Unité”. D’autant plus que le diable, déguisé ce soir-là en sacristain, s’ingénia à mettre des bâtons dans les roues de ce qui avait été prévu et que nous dûmes attendre avec une infinie patience une messe en tchèque interminable.

N-B Hourrah ! La brochure est retrouvée ! Je vais scanner la photo de la chapelle de la Paix et vous envoyer son image, en plus de celle du Petit Jésus.

Mercredi 24 Nous franchissons la frontière de la Slovaquie , qui nous paraît moins prospère que la Tchéquie, et en fin de matinée nous arrivons pour la messe au sanctuaire de Sastin dont je ne résiste pas au plaisir de vous conter l’histoire : « Il était une fois (au XVIe s. à en juger par le style de la statue de N-D des Sept Douleurs) un méchant comte, très brutal avec sa femme, qui , passant par là, dans un accès de colère, ouvrit la porte de son carrosse et la jeta dehors. La pauvre femme tout abasourdie, tombée au bord de la route, priait la Ste Vierge de lui rendre son mari et de raccommoder son ménage. Et voilà que le comte, pris de remords, revient sur ses pas, lui demande pardon, la réinstalle dans le carrosse, et devient un mari parfait ! Sa femme lui révèle qu’en attendant son retour, elle avait promis une statue à la Sainte Vierge si elle était exaucée. Le mari fut d’accord pour la réalisation de ce vœu et il en résulta une jolie petite piéta qui trône sur l’autel de Sastin, avec cette particularité que le cadavre du Christ est couronné. Et voilà qu’à peine sa statue installée, la Vierge multiplia autour d’elle les miracles, tant et si bien qu’on nomma une commission pour les enregistrer et qu’on en dénombre aujourd’hui huit bonnes centaines! » La bonne entente dans les ménages n’est-elle pas une condition de la bonne éducation des enfants ? Et voilà qu’on en revient à l’Enfant Jésus !

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L’après –midi se passa à Bratislava (en allemand Presbourg), capitale de la Slovaquie, qui possède une très jolie vieille ville pleine de maisons et de palais baroques de toutes les couleurs. (D’une façon générale, dans les pays froids, les maisons sont peintes en jaune, rose, vert pistache, bleu ciel : sous la neige, ça fait plus gai). Si j’ai bien compris, nous sommes dans le diocèse hongrois d’Esztergom, ou bien la ville faisait partie de ce diocèse, avant les remaniements de la carte de l’Europe.

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La cathédrale, gothique (pour une fois), où étaient couronnés les rois de Hongrie, est placée sous le patronage de St Martin et possède une magnifique statue en bronze, du XVIIIe s., de ce saint qui a donné son nom à tant de villages en France, parce que St Martin était né slovaque ! Hein, on la voit, là, l’Europe chrétienne !
On monte jusqu’au château qui domine la ville, d’où on a une belle vue sur le Danube. Et qu’est-ce qu’on voit sur l’autre rive du Danube ? De longs alignements d’HLM de type stalinien, de l’aspect le plus carcéral et le plus concentrationnaire ! Ah ! le contraste avec la vieille ville ! La différence entre la ville chrétienne et la ville communiste !

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Jeudi 25 octobre Retour à Prague où on arrive vers 11 h. On ne déjeunera que vers 15 h. ce qui donne le temps de se promener dans la vieille ville, celle que Mozart a connue, l’année où il écrivait Don Juan, et de retrouver nos souvenirs de juillet 1947 où nous eûmes aussi chaud que froid cette année en octobre. Car il faut dire qu’à peine la guerre finie, il fut organisé à Prague, qui n’avait pas subi de bombardements, un truc crypto-coco nommé “le festival de la jeunesse mondiale”. Le “coup de Prague”, par lequel les communistes prirent le pouvoir en Tchécoslovaquie, eut lieu juste après notre retour. À ce festival, fut convié l’orchestre de l’enseignement, orchestre d’amateurs dont faisait partie notre père, Louis Picoche, en qualité d’altiste. Il y emmena toute la famille ! C’était notre premier grand voyage après la guerre. Nous avons passé 36 heures dans le train pour faire les 1500 kms Paris-Prague. Nous avons traversé au pas, sur des kilomètres, Nuremberg en ruines et nous avons été éblouis, en arrivant, par cette ville extraordinaire, beaucoup plus calme et provinciale alors qu’aujourd’hui, où la bière était vendue à la cruche, et où trônaient à la porte des boutiques d’alimentation, des tonneaux de cornichons molossol.

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Quel plaisir de revoir le Pont Charles avec ses statues et cette magnifique église St Nicolas de Malastrana (malheureusement désaffectée, payante et vouée au seul tourisme de même que la cathédrale que nous vîmes le lendemain). J’y ai passé une bonne heure à regarder tout et à prier pour vous. J’espère que vous en ressentirez les bons effets.

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La fin de l’après-midi est consacrée à la messe sur l’autel de l’Enfant Jésus, suivie d’un dîner dans une cave de restaurant, pour lequel le P. Jan avait commandé des spécialités locales. Il ne tarissait pas d’anecdotes spirituelles, et pour finir, j’ai amusé tout le monde en chantant Le soleil et la lune de Charles Trenet. Ils reprenaient tous au refrain ! Après quoi, on nous emmena coucher, pour peu d’heures, en banlieue, au 9e étage d’un hôtel gratte-ciel ultra-moderne.

Vendredi 26 dernier jour du voyage. L’hôtel n’était pas loin de l’emplacement du champ de bataille de la Montagne Blanche, marqué par une église votive. On ne descend pas mais le P. Jan nous raconte l’histoire : Depuis Jean Hus (1369-1415) , nationaliste tchèque hostile à l’empereur, qui prêchait pour la suprématie du concile sur le Pape, pour la communion sous les deux espèces, contre les indulgences et qui fut brûlé comme hérétique au concile de Constance, la “réforme” couvait en Bohême. Les Tchèques, même catholiques, le considèrent encore comme un héros national. C’est un peu leur Jeanne d’Arc ! Les partisans de Jean Hus furent durement réprimés pendant les “guerres hussites” (1420-1434) et quand Luther commença à répandre ses idées, toute la noblesse tchèque passa à la Réforme et finit par mettre à sa tête, contre l’empereur, un prince protestant. D’où les débuts de la guerre de 30 ans et la fameuse bataille de la Montagne Blanche (8 novembre 1620) remportée sur les protestants par l’empereur Ferdinand II qui imposa au pays la religion catholique. Cujus regio, hujus religio ! comme on disait alors. Tant mieux ! Le contraste entre Bâle, ville protestante assez jolie au bord du Rhin, visitée quelques jours avant, et Prague, magnifique au bord de sa Moldau, et même la vieille ville de Bratislava, au bord du Danube, est assez parlant ! C’est comparable à la bataille de Lépante et à la levée du siège de Vienne qui ont évité à l’Europe occidentale d’être islamisée par les Turcs.

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Après cette petite leçon d’histoire, nous sommes montés voir le palais royal et la cathédrale, gothique du moins pour l’essentiel. Pour y entrer, outre qu’il fallait payer et que je n’avais plus une couronne, il fallait faire une queue de 300 m. Je me suis donc contentée des extérieurs, qui n’étaient d’ailleurs pas mal du tout. Et puis retour au car, aéroport, queue à l’enregistrement, vol et atterrissage à Bâle où les Mestelan, qui y récupérèrent leur voiture, furent pris de pitié en me voyant toute seule attendre sur un banc la navette pour la gare de Mulhouse. Ils m’invitèrent à monter et, en chemin, firent, charitablement, le détour, qui n’était pas rien et les retarda d’une bonne demi-heure ! J’ étais de retour chez moi vers 22 h. Merci encore, Robert et Claudia ! et merci de nous avoir entrainés à prier sur tant de routes lointaines, aux grandes intentions internationales et à nos petites intentions amicales et familiales. C’était vraiment un beau et joyeux voyage.

ANNEXE I. Quelques considérations linguistiques : Il n’y a évidemment pas de solution de continuité importante entre le dialecte alémanique parlé à Mulhouse et celui qu’on parle à Bâle à 25 kms de là. Or, à Mulhouse, tout est écrit en français et tout le monde parle français. Si on parle le dialecte, c’est en famille. À Bâle tout est écrit en allemand et tout le monde parle allemand. Affaire de langue officielle et utilisée à l’école, de part et d’autre de la frontière ! En principe tous les Suisses doivent apprendre les trois langues principales de la Confédération : allemand, français et italien. Je suis témoin que si c’est le cas, ils oublient aussitôt celles qui ne leur sont pas maternelles. À Bâle, d’après ma courte expérience, peu de gens répondent en français, et de façon plutôt pénible…
On vante toujours comme une chose remarquable la capacité des slaves à apprendre les langues étrangères. Il est vrai que nous avons rencontré quelques Tchèques parlant plus ou moins bien le français (le P. Jan étant le meilleur). Mais enfin, rien d’éblouissant… Quand on essaye au restaurant l’anglais ou l’allemand, ça ne marche pas mieux. Il est vrai que les serveurs ne font pas habituellement de longues études.

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ANNEXE II. La religion pendant la période communiste d’après ce que nous ont raconté le P. Jan, le supérieur des Prémontrés et le supérieur des franciscains de N-D des Neiges.
Le gouvernement s’est attaqué à l’Église par le haut et a pris pour cible les évêques et les religieux. Ils n’ont laissé en activité qu’un seul évêque, les autres étant réduits à l’état de simples prêtres de paroisse, ou en prison, et à la sortie, dotés d’un petit boulot laïc (puisque le chômage était interdit). Il était interdit de prononcer les trois vœux religieux. Les religieux ont été confinés dans des “couvents de concentration”, et relâchés au compte goutte, soit comme prêtres séculiers, soit pour un petit boulot laïc. À Sastin, sanctuaire desservi par des Salésiens, il y avait une plaque à la mémoire des salésiens in vinculis “dans les chaines”, c’est à dire, morts en prison. Pour entrer au séminaire en vue de l’ordination, il fallait jurer par écrit qu’on n’appartenait à aucune congrégation, de sorte que, pour ne pas faire de faux serment, ceux qui adhéraient secrètement à un ordre religieux le faisaient après, ce qui a été le cas du supérieur des franciscains de N-D des Neiges, entré dans l’ordre en 1986, trois ans avant la chute du communisme.
Par contre les prêtres séculiers étaient laissés dans les paroisses, mais très surveillés. Ils n’avaient pas le droit d’accomplir la moindre fonction religieuse, par ex. un baptême, ou un enterrement, dans une autre paroisse que la leur sans autorisation de la préfecture. Mais le croiriez-vous ? chose impensable en France, même du temps du communisme, les curés entraient à l’école publique pour faire le catéchisme ! Si au moins 18 élèves demandaient le caté, avec la signature de leurs deux parents, le curé avait droit à 1 h. de caté par semaine. S’ils étaient 15, une heure tous les 15 jours , s’ils étaient 12 une heure par mois… Bien sûr, ça devait être déjà un peu compromettant pour les parents de signer la demande de caté. Je ne sais combien le faisaient à Velké. Aujourd’hui, c’est du passé et dans toutes les écoles primaires de l’État, il y a une heure de caté facultative par semaine, donnée par des catéchistes rétribués par l’État au prix de professeurs de matières facultatives.

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ANNEXE III. Les deux messes Nous avions le choix. Pas toujours, mais quand c’était le cas, le gros du bataillon optait pour Paul VI et le petit reste (l’élite ?) pour Pie V. Monsieur Mestelan servait la messe chez Pie V et Madame chantait chez Paul VI. L’un et l’autre rite étaient pieusement et dignement célébrés. J’ai suivi tantôt l’un tantôt l’autre et n’ai été enthousiasmée par aucun des deux. Ni par la messe de Paul VI parce qu’elle est plate, ni par celle de celle de Pie V , parce qu’elle était toujours dite de façon basse, voire très basse, sussurée entre le servant et le célébrant. L’abbé Trauchessec avait apporté 20 kgs de missels à 650 gr. pièce (excédent de bagages à l’aéroport !) pour permettre à ses fidèles de le suivre et c’était bien nécessaire. Il fallait avoir le nez dans le missel, car c’est à peine si on entendait de temps à autre Dominus Vobiscum et il fallait vraiment le coup de sonnette de l’élévation pour se rendre compte si on était bien arrivé au bon endroit ou si on avait pris du retard. Franchement, je trouve cette manière de dire la messe frustrante.
J’ai lu l’Examen critique du nouvel ordo des cardinaux Ottaviani et Bacci et je connais les objections théologiques qu’on peut faire à certains points de ce nouvel ordo. Je pense qu’il suffirait de quelques retouches pour les lever et que le gros des fidèles qui s’y sont habitués ne s’en apercevrait même pas. Par contre, il y a quelques nouveautés que j’apprécie dans la messe de Paul VI :
1. la variété des lectures scripturaires – 2. le canon dit à haute voix et les paroles de la consécration entendues de nos oreilles – 3. le droit pour les fidèles de dire ou de chanter le Notre Père avec le prêtre.
Restent des questions de forme. Une messe de St Pie V chantée, avec orgue, grégorien et polyphonie, avec les aspersions et les encensements, il n’y a rien de plus beau. Quand j’ai découvert ça, dans ma jeunesse, je croyais être au Paradis. Mais rien n’empêche de faire de même avec le rite de Paul VI. C’est, modestement, et devant peu de fidèles, ce que nous faisons le dimanche matin à 9 h. 30 à N-D d’Auteuil et personnellement , je trouve ça assez satisfaisant.

Mais dans la plupart des messes Paul VI, notre pauvre Sainte Mère l’Église me fait penser à une vieille paysanne escroquée par un brocanteur qui a échangé son armoire normande un peu enfumée contre un buffet en formica bien brillant. L’armoire normande est aujourd’hui astiquée, réparée, et vendue très cher. Elle peut être remise en service et à l’honneur dans une maison.

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Ce qui me fait souffrir dans la messe “ordinaire” telle qu’on la célèbre à St Nazaire c’est : 1. la prédominance des cantiques sur les chants liturgiques proprement dits. – 2. la nullité de ces cantiques, souvent pour les paroles, toujours pour la musique – 3. le Gloria et le Credo coupaillés et transformés en chansonnettes à refrains – 4. Les bavardages extra-liturgiques du célébrant – 5. juste après l’Agnus Dei, les poignées de mains tous azimuts quand ce ne sont pas des bisous, les retournements de gens et déplacements de chaises. Si on tient à un signe de fraternité, on pourrait se contenter plus discrètement, et de façon ritualisée, d’ une petite poignée de main à la personne la plus proche – 6. Tout ce que j oublie.
Mais enfin rien de tout cela n’est écrit dans l’ordo ni obligatoire, ce ne sont que de mauvaises habitudes prises à la faveur d’un texte laxiste à options nombreuses, et qui pourraient être corrigées .
Quand je subis toutes ces mochetés (rien de trop moche pour le bon Dieu, comme ne disait pas le curé d’Ars !), je me console en pensant à la crèche et encore une fois à l’Enfant Jésus. S’il n’a pas été dégouté de venir au monde dans une étable où il y avait de la paille, du crottin d’âne et de la bouse de bœuf, pourquoi, moi, serais-je dégoutée par les choses ci-dessus énumérées ? La dame qui fait chanter me fait penser à une ânesse ? le prédicateur à un bœuf ? Bon, c’étaient tout de même de braves bêtes. Et si moi, je pouvais tenir le rôle d’une bergère, est-ce que ce ne serait pas épatant ?

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Cet article a été écrit par Jacqueline Picoche, membre de notre association qui a participé au voyage en République Tchèque. Jacqueline Picoche est auteur du dictionnaire etymologique français et de divers autres ouvrages.